Étudier les dynamiques de peuplement entre l'Èbre moyen et les Pyrénées occidentales durant l’Antiquité tardive (III – VIIe siècle) avec les SIG. Première approche

Studying the settlement dynamics between the Middle Ebro and the Western Pyrenees during Late Antiquity (3rd - 7th century) with GIS. First approach

Leticia Tobalina-Pulido

Miembro de la Casa de Velázquez

Casa de Velázquez, C. Paul Guinard, 3, 28040 Madrid

leticia.tobalina@casadevelazquez.org 0000-0002-3315-5506 AAB-3005-2020

RÉSUMÉ Cet article propose une analyse du peuplement rural tardoantique (IIIe-VIIe siècles) dans l’espace situé entre l’Èbre et la chaîne des Pyrénées, une aire d’étude qui n’a pas bénéficié jusqu’à présent de synthèse archéologique sur le peuplement à cette période. En traitant les données avec un SIG, l’article vise à cerner les dynamiques spatiales et temporelles du peuplement rural durant l’Antiquité tardive. Le corpus d’étude est composé de données obtenues grâce aux rapports de fouille, d’archéologie préventive et programmée, et aux prospections, afin d’établir une première approche du peuplement en prenant en considération tous les renseignements disponibles. Nous allons corréler différentes variables spatiales et temporelles: l’intensité du travail archéologique, le potentiel agricole, l’espacement entre les sites, l’altitude, la distance par rapport aux voies de communication (fluviales et viaires), l’évolution de la représentation de sites dans le système de peuplement. La dynamique des sites est aussi étudiée en prenant en compte leur fonction (villae, fermes, nécropoles, etc.). Les résultats de ces études statistiques fournissent une première approche des dynamiques de la zone étudiée. Ainsi, on constate un tournant qui s’opère au Ve siècle: nous observons un changement significatif dans la dynamique du peuplement ainsi qu’une réduction drastique des sites ruraux actifs. Cela permet de bien distinguer deux modèles de peuplement: Le premier, un modèle compris entre le IIIe siècle et la première moitié du Ve siècle et, le second, pour la période comprise entre la fin du Ve siècle et le VIIe siècle.

Mots-clés Peuplement, Pyrénées, dynamiques spatio-temporelles, analyses spatiales, Antiquité tardive.

ABSTRACT The aim of this paper is to carry out an analysis of the Late Antique rural settlement (3rd-7th centuries) in the space between the Ebro and the Pyrenees, a study area that has not yet had the benefit of an archaeological synthesis of settlement in this Late Antique period. By processing the data with GIS, the spatial and temporal dynamics of rural settlement for the period in question will be determined. The study corpus is composed of data derived from excavation reports, preventive and programmed archaeology, and surveys, in order to provide a first approximation of the settlement, taking into account all available information. Several spatial and temporal variables are related: the intensity of archaeological works, agricultural potential, distances between sites, altitude, distance from transport routes (river and road), evolution of the sites’ representation in the settlement system, etc. The dynamics of the sites are also studied considering their function (like villas, courtyards, necropolises). The results of these statistical analyses provide a first approach to the dynamics of the studied area. Thus, a turning point can be detected in the 5th century. We observe a significant change in the settlement dynamics as well as a drastic decrease in active rural sites. Thus, two settlement patterns can be distinguished: one between the 3rd and the first half of the 5th century and another for the period between the end of the 5th and the 7th century.

Keywords Settlement, Pyrenees, spatio-temporal dynamics, spatial analyses, Late Antiquity.

Fecha recepción: 13/09/2021 Fecha aceptación: 07/05/2022

Tobalina-Pulido, L. (2022): “Étudier les dynamiques de peuplement entre l'Èbre moyen et les Pyrénées occidentales durant l’Antiquité tardive (III – VIIe siècle) avec les SIG. Première approche”, Spal, 31.2, pp. 269-296. https://dx.doi.org/10.12795/spal.2022.i31.26

Sumario

1. INTRODUCTION

2. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE

2.1. Le corpus et ses limites

2.2. Méthodologie

3. LES DYNAMIQUES SPATIALES

3.1. La distribution spatiale de sites

3.2. Évolution de la distribution

4. LES DYNAMIQUES TEMPORELLES

5. DISCUSSION

Financement et remerciements

Bibliographie

Lista de figuras

Figure 1. Aire d’étude.

Figure 2. Précision de datations de phases de sites du corpus (en pourcentages).

Figure 3. À gauche: Intensité de prospections par commune et densité des sites archéologiques. À droite: Carte des cultures et de l’utilisation du sol en Navarre, reclassée en 12 catégories avec les entités archéologiques (carrés gris: sites; carrés bleus: trouvailles isolées).

Figure 4. Densité de sites par «Comarca» et caractéristiques géographiques de chacune d’elles.

Figure 5. Diagramme de boîtes et moustaches montrant de façon diachronique, par siècles, la distance des sites aux voies terrestres principales.

Figure 6. Évolution générale des sites. Le nombre total de sites ruraux actifs par siècle est représenté.

Figure 7. Distribution de sites dans l’aire d’étude. Comparaison entre le IIIe et le VIe siècle.

Figure 8. Comparaison de la dynamique des sites de type villae, hameaux, nécropole et religieux.

1. INTRODUCTION ^ 

L’importante croissance du nombre d’interventions archéologiques préventives à partir des années 1980, mais surtout dans les années 1990, a entraîné une grande quantité de littérature grise qui n’est souvent consultée que pour d’autres interventions ou lors de la mise à jour des cartes archéologiques régionales. En effet, avant de lancer de nouvelles interventions archéologiques, il nous a paru nécessaire de dresser un bilan précis des travaux antérieurs et de leurs résultats. Parallèlement, la question des dynamiques spatiales rurales de la fin de l’Antiquité et du début du Moyen Âge (III-VIIe) fait actuellement l’objet d’un regain d’intérêt dans le Nord de l’Espagne. Cependant, la zone choisie n’a pas reçu l’attention qu’elle mérite. Cet espace abrite en effet d’importantes cités romaines (telles que Tarraca, Osca, Iaca ou Pompelo), mais dans lequel l’espace rural a moins attiré l’attention des chercheurs que l’espace urbain, si l’on en croit la révision bibliographique.

Bien que de nombreuses questions restent à résoudre et à nuancer, les recherches et les approches sur la période concernée se sont multipliées ces dernières années. Cette éclosion de travaux, principalement au cours de la dernière décennie, a permis de commencer à combler un vide historiographique, puisque cette période était qualifiée de «sombre» (Au niveau climatique, cette période est parfois appellée « Dark Ages»; Cf. Harper, 2017; Helama et al., 2017) dans la bibliographie (Cf. Escribano Paño, 2012), et d’établir des phénomènes qui caractérisent cette étape de transition, tels que «el cese de la villa como espacio aristocrático y su sustitución por nuevos espacios de hábitat rural» (Ariño Gil, 2013, p. 93) ou le changement dans la typologie des établissements qui peut être observé. En dépit de ces progrès et d’une homogénéité européenne dans le contexte de l’évolution générale au cours de cette période (Wickham, 2016), peu de travaux ont abordé cette chronologie de manière globale dans notre zone d’étude, que ce soit du point de vue archéologique, des sources écrites ou les deux (Cepas Palanca, 1997; Tudanca Casero, 1997; Escribano Paño et Fatás Cabeza, 2001; Diez Martín, 2013).

Nous avons donc souhaité contribuer au renouvellement de ces études en abordant une première synthèse du peuplement rural tardif d’un espace sur lequel jusqu’ici, les études de peuplement soit se concentrent sur un travail de prospection concret (Giral Royo, 2004; García Benito et al., 2018) – parfois combiné à des fouilles – soit se fondent principalement sur l'étude de textes anciens (Ortuño Pérez, 1999; Escribano Paño et al., 2001). Ces dernières se centrent aussi principalement sur la période alto-impériale. Or, les rapports archéologiques qui s’accumulent dans les administrations navarraise et aragonaise se comptent par centaines et leur incorporation aux études de peuplement peut permettre de dresser une approche plus complète de la réalité archéologique. L’espace choisi dans cette recherche est représenté sur la carte proposée ci-dessous, c’est-à-dire délimité au sud par l’Èbre, au nord par la ligne de crête des Pyrénées, à l’ouest par les sierras de Urbasa et d’Aralar et enfin, à l’est par la rivière Noguera Ribagorzana qui constitue la frontière de Huesca (fig. 1). Cette délimitation géographique permet en outre d’analyser les dynamiques spatiales du peuplement et des différents types de sites en fonction des caractéristiques de chaque zone, sans entrer dans le problème des changements administratifs qui ont lieu entre la fin du Haut-Empire jusqu’au début de l’époque médiévale.

Figure 1. Aire d’étude. ^ 

Ainsi, l’objectif général est de comprendre et de définir les structures et les dynamiques spatio-temporelles des systèmes de peuplement tardifs sur un territoire concret, l’espace pyrénéen et ses vallées, pour pouvoir combler un vide historiographique (absence d’une synthèse complète sur l’occupation du territoire d’étude et pénurie de monographies sur l’Antiquité tardive). Nous mettons l’accent sur les stratégies d’occupation du territoire, permettant d’analyser les communications, les relations entre les différents sites, mais aussi sur les problèmes des données archéologiques quand le travail est effectué à partir d’un volume de données considérables issues de rapports d’archives, et non d’interventions archéologiques menées personnellement et avec un processus ad hoc. Cet article repose donc pour l’essentiel sur des sources secondaires, des données déjà publiées (monographies, thèses, synthèses, articles) ou déposées dans les archives de l’Administration (rapports d’interventions, inventaires archéologiques, études de mobiliers). Il s’agit d’en livrer une première synthèse en traitant ces données avec un SIG, afin de cerner les dynamiques spatiales et temporelles du peuplement tardif de la région définie ci-dessus.

En premier lieu, nous présenterons les caractéristiques du corpus et la méthodologie générale suivie. Nous établirons ensuite une analyse générale de la répartition des sites ruraux (dynamiques spatiales), en tenant compte de différentes variables géographiques telles que leur altitude, leur proximité par rapport aux voies de communication (à la fois fluviales et terrestres) ou leur situation en fonction de la morphologie du terrain (plaine, colline, grotte). Nous pourrons ainsi procéder à une analyse des dynamiques temporelles générales, de sorte à livrer une première approche de l’évolution générale des sites ruraux. L’ensemble nous permettra finalement d’établir quelques modèles de peuplement dans la synthèse finale.

2. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE ^ 

2.1. Le corpus et ses limites ^ 

Les archives et autres documents fournissant la base de cette étude ont été publiés de manière partielle et très éparse, comme c’est le cas pour d’autres zones de la Péninsule. L’inventaire archéologique des administrations de la Navarre et de l'Aragon constitue le cœur du corpus (nous avons consulté 250 rapports d’interventions archéologiques effectuées entre 1980 et 2018 dans les archives de l’administration d’Aragon à Saragosse et au Service Régional d’Archéologie de Navarre); nous l’avons enrichi ce corpus avec des données issues de cartes archéologiques (ainsi que les inventaires du patrimoine archéologique de l’Aragon et de la Navarre), des travaux de compilation (monographies et actes de colloques) et des publications dans des revues spécialisées.

Si la période romaine, surtout jusqu’au IVe siècle de notre ère, est assez bien étudiée, avec des typologies céramiques qui permettent d’ajuster les chronologies des sites, dans le cas wisigothique la situation est pratiquement inverse. C’est précisément à partir du Ve siècle qu’un changement dans la fabrication de la céramique s’observe, dans cette région aussi bien que dans d’autres de la péninsule Ibérique et dans d’autres pays européens. Les productions céramiques postérieures ont été peu étudiées. Ainsi, J. Monnier indique que, pour sa région d’étude, la Suisse, les résultats pour les IVe et Ve siècles après J.-C. sont faussés par les problèmes de datation que présente le matériel archéologique des IVe et Ve (Monnier, 2001, p. 178); le même problème est rencontré par C. Gandini pour la période du haut Moyen Âge (Gandini, 2008). Comme le montrent les dernières publications sur la période, «el estudio sistemático de la cerámica es un informador de primer orden a la hora de entender el complejo mundo peninsular entre los siglos V y VIII d.C.» (Aranda González, 2014, p. 119), de sorte que les quelques séquences qui permettent de disposer de typologies des différents faciès de la période permettraient d’ajuster les chronologies d’un grand nombre de sites.

À mesure que l’on se rapproche du VIIe siècle, la précision des datations des phases de sites est plus faible, avec une fourchette de précision établie sur plus de deux siècles pour près de 60 % des sites du VIe siècle. Ainsi, nous sommes confrontés à des degrés de précision concernant de datations très hétérogènes, soit des données avec une précision acceptable (IIIe-IVe siècles), soit des données assez imprécises (VI-VIIe siècles) (fig. 2).

Figure 2. Précision de datations de phases de sites du corpus (en pourcentages). ^ 

Les données recueillies par ces institutions sont principalement orientées vers la gestion du patrimoine archéologique; elles contiennent davantage de renseignements administratifs (budget, permis de fouille, nombre d’archéologues ayant participé, etc.) que scientifiques. Il faut aussi souligner que les rapports déposés auprès des services archéologiques d’Aragon et de Navarre concernent davantage des prospections (du total des opérations) que des fouilles (3'99% du total), tandis que le reste des interventions sont des sondages ponctuels (5’70%), des prospections aériennes (0'28%), prospection et fouille ultérieure (9’97%) et des découvertes fortuites (2’85%). Notre zone d’étude n’a donc pas été étudiée de manière systématique; les prospections, de nature très variable, n’ont livré que des données partielles et hétérogènes; l’accès aux données administratives est plus difficile que dans des autres pays comme la France, où il existe une plus grande standardisation des rapports de prospection/excavation, mais aussi des inventaires archéologiques, unifiés par le SRA (Service Régional de l’Archéologie) et l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives).

Du fait de ces limites, nous avons opté pour une typologie qui tienne compte des grandes catégories traditionnelles du peuplement rural (comme les villae) mais tout en incorporant d’autres catégories avec une désignation plus plastique. Nous avons retenu notamment celles d’ «exploitation agricole» [id est, un site rural plus modeste que la villa et dépourvu d’éléments de luxe mais qui peut être identifié comme une exploitation agricole en raison de certains éléments: lagares, grande quantité de dolia, présence de matériaux de construction tels que des tegulae et des imbrices, restes de bâtiments (Tobalina-Pulido, 2019, p. 257)], «habitat de passage» [un type de mansio/statio, dont le site est situé à proximité d’une importante route romaine et qui présente des vestiges de structures qui montrent une prestation de services du type hôtelier (Tobalina-Pulido, 2019, p. 257)], «hameaux» [un groupement de maisons avec ou sans exploitation agricole associée] et de «rural indéterminé» pour les sites de nature non urbaine mais dont la fonction reste obscure. Cette typologie présente inévitablement des lacunes; cependant, nous considérons que c’est celle qui permet le mieux non seulement de rendre compte de la diversité des données en présence mais encore d’autoriser une comparaison avec d’autres études régionales.

Afin de classifier les sites dans les différentes catégories établies, les données archéologiques décrites dans les divers rapports et inventaires ont été évaluées afin de nuancer, modifier ou réaffecter l’interprétation donnée. En d’autres termes, l’interprétation émise par l’auteur du rapport et/ou de l’étude n’a pas été reprise telle quelle. Ainsi, nous avons établi plusieurs critères pour définir chaque catégorie du peuplement. En tenant compte de ces critères, nous avons réaffectée ou maintenue la catégorisation initiale. Dans les cas où le matériel ou les données archéologiques n’étaient pas suffisants pour le classement, une catégorie plus générale telle que le «rural indéterminé» a été privilégiée. En outre, la qualité des données de localisation, de datation et de typologie a été estimée selon les critères spécifiés dans L. Tobalina-Pulido et C. González-Pérez (2020).

Au total, parmi les 351 sites ruraux tardifs recensés, 152 ont été classés dans ces différentes catégories, soit 43'30%. Ce pourcentage est plus ou moins comparable à celui des sites catégorisés dans les autres études sur les dynamiques du peuplement, telles celle de J.D. Laffite, qui n’a pas pu classer 30'5% des sites qu’il a traités (Laffite, 1999, p. 261) ou encore la thèse de C. Gandini, qui exploite 46'36% des sites qu’il a recensés (Gandini, 2008). Ce dernier travail repose pourtant sur des données de première main telles que prospections et photographies aériennes.

2.2. Méthodologie ^ 

L’un des principaux problèmes que nous rencontrons dans ce travail est la dispersion des données (publiées ou non). Cela a rendu le travail de la collecte des indices archéologiques difficile. En effet, cette étude prétend être exhaustive en inventoriant aussi tous les sites sur lesquels des restes de la période en question ont été localisés. Malgré cela, l’exhaustivité n’a pas pu être obtenue dans certains cas, soit par manque d’accès à certains documents, soit par manque de temps. Pour ce travail, nous avons donc opté d’effectuer certains zooms ou zones test pour certaines analyses. À cet égard, notre premier objectif méthodologique a consisté à recueillir des données – en tenant compte de leur dispersion et de leur variété – et de les gérer par le biais d’un SIG qui nous a permis d’unifier les informations. C’est pourquoi, étant donné cette hétérogénéité, «[…] los factores de calidad determinan el valor informativo de los datos y por tanto delimitan la significación de su contribución al fenómeno de estudio » (Sánchez Trigueros, 2013, p. 16). Dans notre cas, ce sont les critères d’incertitude (les doutes que nous pouvons avoir sur la correspondance entre un élément d’information et ce qu’il est censé représenter), d’imprécision (nous faisons référence au degré de détail ou à la quantité d’informations fournies par un élément de données) et d’inexactitude (différence entre une donnée et la valeur réelle de ce qu’elle est censée représenter) (Tobalina-Pulido et González-Pérez, 2020, p. 248-249) qui guident ce processus de détermination de la qualité de nos vestiges archéologiques (Tobalina-Pulido, 2019; Tobalina-Pulido et González-Pérez, 2020). Les SIG permettent un traitement plus rapide d’un volume élevé de données, en permettant de créer des modèles à travers lesquels nous pouvons effectuer une interprétation historico-archéologique des résultats. Cela nous amène à utiliser les bases de données spatiales en appliquant les concepts géographiques et les techniques de traitement de l’hétérogénéité pour l’étude des dynamiques de peuplement sur un territoire donné pendant une période complexe comme c’est l’Antiquité tardive (Cf. Tobalina-Pulido, 2020 pour une explication de la méthodologie complète; Cf. Tobalina-Pulido et González-Pérez, 2020 pour le traitement de l’imperfection). Dans notre cas, traiter des données dispersées avec cet outil nous permet, en plus, d’homogénéiser l’information et d’effectuer des analyses d’ensemble.

Malgré les avantages des techniques informatiques pour l’étude du peuplement antique, nous entendons parfois qu’elles ne représentent pas la réalité, l’Archéologie étant une science sociale qui étudie l’être humain et ne peut pas être informatisée. En effet, les SIG, les technologies et outils connexes, comme toutes les autres techniques que nous utilisons pour l’étude de l’Antiquité ou pour une autre période historique, «no son una forma de reproducir la realidad, sino de representarla» (Parcero-Oubiña et González-García 2016, p. 482). Ce sont des formes de s’approcher d’une réalité, pas de la réalité elle-même. Ce ne sont pas «une photographie» d’un moment passé, mais un modèle hypothétique que nous configurons sur la base des données disponibles (Brunet et al., 1993; Silberschatz et al., 2002) ou comme préfèrent le dire les géographes, une simplification de la réalité (Boissinot, 2015, p. 245). Ainsi, dans notre travail, nous formulons des hypothèses, tout en étant conscients des limites de l’étude.

Par ailleurs, dans tout travail d’analyse spatiale, nous devons travailler à une échelle spécifique. Dans notre cas, nous avons opté pour une étude à l’échelle macro, ce qui permet de faire une approche extensive à l'espace analysé. L’analyse macro examine les relations des communautés humaines entre elles, ainsi que leurs relations avec le milieu. Bien que cela entraîne obligatoirement une perte d’informations (par exemple, le mobilier découvert dans chaque strate ou la relation entre les différents éléments à l’intérieur d’un site), cette approche nous permet d’étudier l’évolution des schémas d’implantation dans leur ensemble, les moments de changement, les ruptures, la relation entre les différents sites, etc. Dans notre cas, c’est précisément la dimension territoriale, au niveau régional, que nous voulons souligner, car nous nous intéressons à la structuration du peuplement et des différents acteurs qui l’entourent, c’est-à-dire à l’observation des interactions et de la logique des systèmes spatiaux.

Nous sommes conscients des limites de notre démarche, bien qu’il s’agit d’une approche qui permet d’effectuer de modèles sur le peuplement en travaillant avec toutes les données disponibles et pas juste avec de cas paradigmatiques d’une région.

Sur la base de ces prémisses, nous effectuerons dans les pages suivantes une série d’analyses qui nous permettront de mieux comprendre l’évolution et la structuration de l’habitat rural romain tardif dans la zone d’étude. L’objectif de cette analyse est de tenter d’établir les modes d’occupation du territoire. Ainsi, en premier lieu, nous nous concentrerons sur la dynamique spatiale pour poursuivre avec l’évolution temporelle des sites.

3. LES DYNAMIQUES SPATIALES ^ 

L’une des premières questions que nous nous sommes posées lorsque nous avons commencé cette recherche était de mesurer dans la répartition des sites documentés deux causalités bien distinctes: l’une, d’ordre épistémologique, est l’intensité des opérations archéologiques et l’autre, d’ordre historique, est les choix d’implantation effectués par les différents acteurs antiques et médiévaux dans la répartition des sites documentés. Les deux causalités dans les faits entretiennent des relations qu’il est nécessaire d’objectiver.

Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons analysé deux points: la distribution générale, à savoir la relation entre la distribution des sites et l’utilisation actuelle des terres (cartographie que nous avons disponible) mais aussi avec les interventions effectuées dans la zone d’étude; puis la corrélation entre les sites et leur situation géographique.

3.1. La distribution spatiale de sites ^ 

Un premier examen fait apparaître une répartition assez régulière des établissements dans l’aire d’étude traitée, avec une densité légèrement plus élevée dans la Communauté de Navarre que dans celle d’Aragon. Deux pôles de concentration du peuplement s’observent bien tout au long de la période, malgré des différences de densité: la zone située au sud et à l’est de Pampelune et la partie orientale de la province de Huesca, autour de Monte Cillas. La première fut l’une des plus prospères. Elle présente la plus forte densité de sites – Navarra Media et Cinco Villas de Aragon –, dont un grand nombre remontent à l’époque romaine d’après plusieurs publications (Sayas Abengoechea, 1984 ; Armendáriz et al., 1997; Rey Lanaspa, 2000; Castiella Rodríguez, 2003; Calonge Miranda, Santos Yanguas, 2016).

Ces deux zones se distinguent par la densité des prospections qui y ont eu lieu également. On retiendra notamment le travail des équipes de Santa Criz de Eslava (Armendáriz et al., 1997) et d’Andelo (Cabello García, 1994) en Navarre; dans les Cinco Villas, le projet «Los Bañales» depuis 2008 (Andreu Pintado et Jordan Lorenzo, 2004); Andreu Pintado et al., 2009) et le projet «Cabeza Ladrero» depuis 2015, ont permis de documenter un grand nombre de sites romains et romains tardifs. C’est l’aire d’étude aussi dans laquelle se trouvent le plus grand nombre de bornes miliaires tardives, datant entre le IIIe et le IVe siècle, ce qui montre l’intérêt de l’administration romaine pour ces espaces (Lostal Pros, 1992). Dans la seconde zone (autour de Monte Cillas et Labitolosa), les travaux réalisés par l’équipe de M.A. Magallón et P. Sillières ont mis en évidence un nombre important de sites (Principalement grâce aux prospections de L. Chasseigne (2001, 2002) dans la région de Huesca, principalement datant de la période tardive mais aussi du Haut-Empire, qui soulignent l’importance des implantations rurales à partir du IIIe siècle.

D’autre part, les zones de plus faible intensité archéologique se trouvent au nord des villes de Pampelune et de Huesca, ou il y a peu de sites. Ce sont des zones assez montagneuses et peu prospectées.

Il existe également une zone déserte au nord de l’Èbre entre Celsa et Caesar Augusta, un vide déjà enregistré dans les études antérieures et sur d’autres périodes également. Cette situation semble similaire au cours de la période républicaine; et très peu de sites sont actifs dans cette zone entre Celsa et Caesar Augusta, comme le montrent les études de F. Beltrán Lloris (2009, pp. 55-67 et fig. 1, 2.).

3.1.1. Distribution des sites liée à l’intensité des prospections réalisées ?

Tentons à présent d’établir une éventuelle corrélation entre la densité de sites et le nombre d’interventions réalisées nous avons effectué une analyse à mode de test sur une partie de l’espace étudié (la Navarre). Sur la base de la Carte des Cultures et de l’Occupation du Sol de 2012 au 1/25000e de la Communauté de Navarre, nous avons détaché 13 types d’occupation du sol en fonction de leurs caractéristiques géologiques, géographiques et climatiques (zones rocheuses, cultures arables pluviales et irriguées, cultures ligneuses pluviales et irriguées, cours d’eau, lacs non artificiels) qui nous permettent de déterminer si la distribution de sites est due aux difficultés de prospection que présente l’actuelle couverture du sol. Cette carte fournit une représentation visuelle de l’utilisation actuelle des terres en Navarre, en distinguant clairement les zones boisées (en vert) de celles consacrées à l’agriculture céréalière (en jaune) (fig. 3b).

Figure 3. À gauche: Intensité de prospections par commune et densité des sites archéologiques. À droite: Carte des cultures et de l’utilisation du sol en Navarre, reclassée en 12 catégories avec les entités archéologiques (carrés gris: sites; carrés bleus: trouvailles isolées). ^ 

Les sites sont concentrés sur les secteurs de cultures herbacées sèches et/ou irriguées (couleurs beiges et jaune clair); qui, par définition, sont plus propices à la prospection car, étant des sols labourés, ils procurent une meilleure visibilité que les espaces de montagne et de forêt où la prospection est parfois complexe en raison de la densité de la végétation. Néanmoins, certaines conditions sont requises pour avoir une bonne accessibilité dans les champs de culture, comme le fait que la céréale n’ait pas encore poussé ou que le sol ait été labouré auparavant ce qui facilite aussi la lisibilité.

Les zones forestières (en vert) sont situées principalement au nord de Pampelune (pré-Pyrénées et Pyrénées) et aux extrémités occidentale et orientale de la zone d’étude –les Sierras d’Urbasa et d’Andia, et la Sierra de Leyre –. Cette dernière, avec des hauteurs comprises entre 800 et 1350 mètres, est un massif pré-pyrénéen où se trouvent certains des sites les plus importants de Navarre (les «foces»), comme la ville de Liédena ou l’éventuelle ville d’Iluberis, toutes deux situées à Lumbier (Navarre) (Taracena Aguirre, 1949; Mezquíriz Irujo, 1953; Zuza Astiz, 2013).

Le nombre de prospections réalisées dans notre zone d’étude est considérable: plus de 500 prospections l’ont été, préventives ou programmées entre 1990 et 2018, selon les informations fournies par le Service Régional d’Archéologie de Navarre. Le nombre important de prospections ne permettant pas de prendre en compte la totalité du territoire de notre étude, nous avons limité notre analyse à la Navarre. Nous sommes partis de la liste des autorisations archéologiques fournie par le Service Archéologique Régional de Navarre, et des données extraites de l’Inventaire Archéologique de Navarre, qui mentionne les interventions effectuées sur chaque site.

Cette liste comprend les interventions archéologiques menées depuis l’entrée en vigueur de la loi espagnole sur le patrimoine historique (Loi 16/1985 du 25 juin de 1985), ce qui représente un total de 964 autorisations. Seules les prospections archéologiques sont prises en compte. Afin d’homogénéiser et de normaliser les informations, nous avons décidé d’attribuer des chiffres pour cartographier les résultats: «1» pour chaque prospection effectuée dans la commune, et «2» pour les prospections systématiques dans le cadre de l’exécution de l’Inventaire Archéologique de Navarre qui, en principe, couvrent l’ensemble du territoire communal. La note 8 correspond au nombre maximal d’enquêtes enregistrées sur la base du calcul numérique indiqué. Il convient également de noter que la cartographie créée doit être prise avec des réserves compte tenu du fait que nous ne disposons pas de données postérieures à 2010 ou antérieures à 1985.

Ainsi, au nord de Pampelune, le nombre d’opérations archéologiques est considérablement réduit, sauf dans des cas spécifiques tels que les sites en grottes; une prospection intensive et systématique n’a pas encore été effectuée dans ces zones. Malgré cela, les travaux menés dans la région de Roncevaux et d’Espinal ont donné des résultats très fructueux ces dernières années, mettant au jour des vestiges archéologiques qui mettent en évidence la présence des centres de population d’une moindre taille tels que l’éventuelle Iturissa (fig. 3a).

D’autre part, nous pouvons constater que la partie la plus prospectée de la Navarre coïncide, en général, avec les zones qui comptent le plus grand nombre de sites tardifs, ce qui parait a priori logique. Le nord, qui coïncide également avec les hautes montagnes et les zones boisées, a été peu étudié et il ne présente que quelques sites localisés et un pourcentage élevé de découvertes isolées. Les découvertes de Roncevaux et d’Arce sont principalement liées aux travaux réalisés à Ibañeta et Espinal pour connaître, d’une part, la voie romaine à travers les Pyrénées et d’autre part, la localisation de l’agglomération d’Iturissa (Pérez Agorreta et Unzu Urmeneta, 1997; Martínez Txoperena et Zubiria Mujika, 2017). Malgré ces trouvailles, les zones à contraintes naturelles tels les reliefs présentent a priori moins de sites ou des sites de moindre importance que ceux situés dans la plaine.

Les deux sites localisés plus au nord correspondent à deux cavités, Abauntz et Urricelki/Atapaburu, tandis que les autres sont situés au sud de Pampelune, une agglomération qui semble agir comme une division entre les zones respectivement les plus et les moins densément peuplées. Cette zone de la Navarra Media présente des caractéristiques favorables à l’installation de la population d’origine agricole; elle possède des conditions plus propices à la population, avec de nombreux cours fluviaux qui s’écoulent dans de larges vallées (García García, 1997). Il existe donc, du moins en apparence, une corrélation entre la densité de la prospection, le type d’utilisation actuelle des terres et la répartition des sites. Comme cela a également été prouvé dans d’autres régions, l’une des limites de «la documentation disponible réside dans sa répartition géographique très hétérogène, qui reflète largement l’activité des archéologues» (Trément, 2001, p. 281).

Il est en effet indéniable que les opérations archéologiques ont été bien davantage menées dans les zones planes et actuellement cultivées, assez faciles à prospecter et a priori plus riches en vestiges. En revanche, les archéologues n’ont guère pu prospecter les zones élevées et boisées du Nord, objectivement plus contraignantes d’un point de vue technique et financier pour des fouilles, du fait de la pente et du climat. D’un autre côté, le vide que nous remarquons autour de Celsa pourrait être lié soit à la mauvaise qualité des terres au nord de l’Èbre, soit à un manque de travaux archéologiques. La première théorie a déjà été démontrée par F. Beltrán, car ces terres sont propices à la sylviculture, mais pas à l’agriculture (Beltrán Lloris, 2009, p. 61); la seconde, également possible, montre une concentration des interventions dans la zone du fleuve Gállego (Ferreruela Gonzalvo, 2007) au détriment des autres espaces.

3.1.2. Une densité liée au potentiel agricole ?

Afin de déterminer s’il existe une relation entre les potentialités agraires des régions et la répartition des sites, en outre, nous avons calculé le nombre de sites et leur densité par km2 de région agricole (en tenant compte des divisions actuelles). Nous avons utilisé à cette fin de la division en régions agricoles établie par le Ministère de l’Agriculture. Ce sont des unités spatiales intermédiaires entre la province et la commune qui, sans personnalité juridico-administrative, ont un caractère uniforme du point de vue agraire. La répartition de la superficie des Comarcas Agrarias était une initiative du Ministère de l’Agriculture dans les années 1970. Elles permettent non seulement de diviser l’espace d’étude mais aussi de juger les résultats en fonction des caractéristiques agricoles de chaque région.

Les zones qui enregistrent le plus grand nombre de sites ruraux tardifs sont celles de la Navarra Media, Somontano, Ribera Alta de Aragón, Tierra de Estella et Ejea de los Caballeros, avec respectivement 61, 45, 43, 41 et 36 sites. Ce sont également celles-ci (dans un ordre d’importance différent) qui possèdent la plus forte densité de sites par km2 durant la période tardo-antique. Ainsi, les territoires communaux les plus densément peuplés à la fin de la période sont Tierra de Estella, Ejea de los Caballeros, Navarra Media, Somontano et Ribera de Alta de Aragón, avec respectivement 0'29, 0'060, 0'046, 0'038 et 0'035 sites par km2. Chacune de ces régions agricoles présente des caractéristiques spécifiques de relief, de climat et de paysage, toutes en rapport avec leur potentiel agricole éventuel (fig. 4).

« Comarcas » avec une plus forte densité de sites par km2 ^ 

ESTELLA

EJEA DE LOS CABALLEROS

SOMONTANO

MOYENNE NAVARRE

RIBERA ALTA

DENSITÉ SITES / KM2

0,29

0,06

0,0468

0,038

0,035

EXTENSION « COMARCA» EN HA

140 675

338 358

130 244

117 632

122 525

CARACTÉRISTIQUES DE LA « COMARCA»

Orographie contrastée, la partie nord étant plus abrupte que la partie sud, au relief plus doux et dominée par des plaines. Les altitudes de ce secteur sont en effet comprises entre 400 et 1235 m et les pentes entre 1 et 12 %.

Située à la frontière de Huesca et de Navarre au nord, elle est dominée par des zones de haute montagne tandis qu’au sud se situe la zone des Cinco Villas, au relief principalement doux, une des zones les plus prisée par l’archéologie dans la région. Elle a une grande densité fluviale.

Géomorphologiquement, elle est principalement constituée de plaines, aux altitudes comprises entre 375 et 1 030 m et a des pentes moyennes de 1 à 8%. Elle présente des sols, selon les critères actuels, qui peuvent être utilisés principalement pour les pâturages ou les cultures annuelles en zone sèche.

C’est une zone de transition entre les Pyrénées et la plaine, en pente douce vers l’Ebre et aux altitudes comprises entre 400 et 600 m. Son relief est irrégulier, combinant les plaines du sud avec des zones plus accidentées au nord ; les rivières Cinca, Vero et Calcón en constituent les principaux cours d’eaux.

Elle présente un relief peu accidenté avec une prédominance de plaines étendues et une forte densité de rivières. Les pentes sont douces, entre 1 et 3%, avec des altitudes moyennes allant de 281 à 416 m. Il s’agit d’une région dotée d’un grand potentiel agricole grâce à ses terres fertiles.

JACETANIA

SOBRARBE

NORD-OUEST NAVARRE

DENSITÉ SITES/KM2

0,0007

0,0014

0,0016

EXTENSION « COMARCA» EN HA

185 800

220 300

187 643

CARACTÉRISTIQUES DE LA « COMARCA»

Située dans les Pyrénées de Huesca, elle est marquée par une topographie que l’on peut qualifier de haute montagne, avec des altitudes comprises entre 600 et 2 512 m et des pentes qui dépassent 19%. Les rivières Aragon, Gallego ou Estarrun sont quelques-unes de celles qui baignent ces terres montagneuses des Pyrénées.

Actuellement la région la moins peuplée de Huesca, elle a un relief principalement montagneux. Elle est situé à la frontière avec la France, avec des altitudes comprises entre 500 et 3 092 m, avec une orographie irrégulière dans laquelle s’élève une multitude de chaînes de montagnes. Les rivières Cinca, Ara, Irués et Bellos irriguent ses terres.

Elle présente une morphologie parsemée de nombreuses vallées baignées par des rivières. C’est une région montagneuse, mais elle possède des sols riches en matière organique sur 47% de sa surface.

Figure 4. Densité de sites par «Comarca» et caractéristiques géographiques de chacune d’elles. ^ 

Quant aux zones qui montrent une densité de sites plus faibles, il s’agit de: Jacetania, Sobrarbe, Caspe et nord-ouest de la Navarre, aux densités respectives de 0'0007, 0'0014, 0'0015 et 0'0016. Bien que dans le cas de Caspe nous ayons calculé la densité en fonction de l’espace qui entre dans notre étude, nous considérons que ses valeurs ne sont pas représentatives, car il peut s’agir d’une région très densément peuplée au sud de l’Èbre. Si nous écartons la Caspe parce que l’ensemble de la région n’est pas inclus dans notre étude, les trois autres correspondent à des territoires géographiquement très différents des zones les plus densément peuplées.

Comme on peut le voir, les régions les plus densément peuplées à la fin de la période romaine sont des régions à forte densité hydrographique et à la topographie assez variée dominée par les plaines. Au contraire, les régions les moins peuplées sont les régions de montagne, où les pentes sont plus raides et les rivières plus petites ou dans des sections à débit plus faible, plus favorables aux pâturages comme le nord-ouest de la Navarre. Comme nous l’avons vu précédemment, les zones de montagne sont les moins travaillées sur le plan archéologique. Est-ce donc le résultat d’un biais produit dans le fait d’avoir été effectués peu de travaux archéologiques ? En effet, l’historiographie a souvent affirmé qu’il n’y avait aucune présence romaine dans les zones montagneuses. Cependant, cette affirmation est de plus en plus nuancée; une importante activité d’élevage ayant été découverte dans ces zones à l’époque romaine et aux périodes ultérieures. Il semble clair que l’intensité de l’occupation, en termes d’établissements stables, n’était pas la même que dans les plaines, où les zones sont mieux communiquées avec les réseaux d’établissements.

3.2. Évolution de la distribution ^ 

Adopter une démarche diachronique pour la densité d’occupation à différentes époques, notamment durant l’Antiquité tardive, est complexe. Cette question a tout de même été abordée par différents auteurs, tels que J. Monnier dans son étude sur les sites ruraux tardifs en Suisse (Monnier, 2001, p. 178) ou C. Gandini dans ses travaux pour le centre de la France (Gandini, 2008). En dépit des difficultés que présente cet exercice, il est nécessaire d’analyser l’évolution de la dispersion des sites au cours du temps. Pour cela, nous avons effectué un calcul permettant de déterminer la proximité entre sites par siècles, pour pouvoir fixer quel est le plus proche voisin de chacun. Cet outil calcule les distances entre différentes entités. Les résultats doivent être pris avec prudence car ils peuvent correspondre à l’absence d’études durant certaines périodes, mais ils nous donnent quelques pistes pour aborder l’évolution dans son ensemble au cours des cinq siècles que nous étudions (III-VIIe). Cette analyse nous permet de vérifier s’il y a une disparition et/ou une émergence de sites face à une contraction/expansion du réseau de peuplement en termes de densité.

Au IVe siècle, les deux tiers des sites étaient situés à moins de 3'80 km l’un de l’autre, tandis que ceux situés à plus de 10 km étaient rares. À la fin de la période d’étude, le scénario se modifie totalement. Au IVe siècle, une plupart de sites sont situés à une distance moyenne de 3'199 km, alors au Ve siècle à 4'972 km et au VIIe siècle, la distance moyenne passe à 10'869 km.

D’autre part, pour les IIIe et IVe siècles, nous pouvons observer que la distance entre les sites se stabilise (autour de 3-4 km entre sites), mais à partir du Ve siècle la dynamique commence à changer et la répartition n’est plus aussi régulière. Au VIIe siècle, les sites sont implantés à une distance moyenne de 10 km entre eux (principalement entre 5 et 15 km) mais peu de sites sont séparés par une distance supérieure à 15 km. Le IVe siècle semble être le début d’un processus de regroupement ou bien d’agrandissement des sites (Sanz, 2008), marquant une diminution de la densité des sites dans le réseau de peuplement, c’est-à-dire que des unités de population sont perdues. Cette hypothèse pourrait ainsi expliquer cette réduction du nombre de sites et une augmentation de la distance les séparant. En effet, dans la zone de contrôle de Tarraca (Los Bañales, Zaragoza), il existe un processus de réunification de l’établissement dans de grandes propriétés de la fin de l’Antiquité, comme en témoigne «La Sinagoga de Sádaba» (D’Anna et Sánchez Velasco, 2015), où le mausolée conservé dénote l’importance du lieu, mais aussi le maintien de l’activité dans le monde rural. «Le Zaticón de Biota» (Saragosse) montre également un possible regroupement de l’habitat (Andreu Pintado et al., 2009, pp. 122, 137, 147-151), dans ce cas autour d’un possible hameau ou village. De plus, le IVe siècle marque l’époque où certains sites deviennent plus grands, ce qui pourrait expliquer cette réduction du nombre de sites et la plus grande distance qui les sépare.

Les événements politiques de l’époque, comme la mise en place des wisigoths au Ve siècle de notre ère, peuvent également avoir précipité les événements, tendant vers un modèle d’exploitation latifundiste, c’est-à-dire qu’il est possible que nous assistions à une réorganisation du modèle de propriété foncière (Cordero, 2018, p. 463). Cela semble d’ailleurs corroboré par le testament du diacre Vincent, de la fin du VIe siècle, qui confirme cette concentration des terres qui s’est opérée tout au long de l’Antiquité tardive.

3.2.1. Les facteurs d’implantation

Nous essaierons ici d’établir quels sont les facteurs qui peuvent déterminer l’implantation des sites dans certains espaces au détriment d’autres. Dans les études de peuplement, plusieurs éléments sont généralement pris en compte, dont l’altitude, la position dans l’espace (plaine, montagne, grotte) et la proximité des voies de communication, tant fluviales que terrestres. Certaines études ajoutent également la visibilité et l’altitude relative (Aparicio, 2016; Martínez Fernández, 2018) ou l’utilisation du sol, bien que ces questions aient également été débattues par l’historiographie car elles présentent un certain nombre de points faibles dans l’analyse. Nous renvoyons aux travaux de C. Parcero pour une évaluation de l’utilisation de ces facteurs (Parcero-Oubiña et Fábrega, 2006). Dans les sections suivantes, nous effectuerons une analyse générale dans laquelle nous évaluerons le poids que ces facteurs ont dans l’installation des sites.

3.2.1.1. L’altitude et la position sur le terrain, des facteurs déterminants de la répartition ?

L’ensemble des sites se situe entre 100 m et 1500 m d’altitude, avec une plus grande concentration entre 200 et 650 m. Ainsi, bien qu’il y ait une variation significative entre l’altitude minimale et maximale de l’ensemble des sites, les altitudes moyennes et basses sont privilégiées. Les altitudes maximales sont indiquées par deux cavités pyrénéennes, El Forcón (La Fueva, Huesca), à 1300 m, et Els Trocs (Bisaurri, Huesca), à 1530 m. Dans ces deux cas, nous avons retrouvé du mobilier datant du Néolithique et de l’époque romaine (Baldellou Martínez, 1985; Utrilla, Laborda, 2014).

Sur les 351 sites ruraux, les rapports archéologiques et la bibliographie ont permis d’extraire la position de 284 d’entre eux, soit 80’91%. Bien qu’il est possible de relever la position du terrain à l’aide du MNT (Modèle Numérique du Terrain), l’analyse ne porte que sur les seuls sites étudiés in situ ou ceux pour lesquels nous disposons d’informations dans la bibliographie. Parmi ceux-ci, un 32’39% sont implantés sur une colline, 28’87% sur un versant, 33’46% en plaine et 5’28% dans une grotte ou un abri sous roche. La localisation dans les cavités est faible, alors que la majorité des sites sont installées sur des plaines ou des versants (tab. 1). Au cours des IIIe et IVe siècles, les pourcentages sont restés stables: environ 30% pour les sites situés sur des collines, un peu plus de 37% en plaine et entre 27 et 29% dans des versants. En revanche, au Ve siècle, la plaine et les versants perdent de l’importance au profit de la colline, qui passe à 49,61%. Au VIIe siècle, les valeurs remontent en faveur de la colline (46'88%); la plaine descend à 15'63%. Les versants reprennent et augmentent légèrement les mêmes valeurs qu’au IIIe siècle (31'25%). Quant à l’implantation dans les grottes et les abris, les pourcentages restent entre 2 et 5 % pendant les trois premiers siècles, passant à 11'76% au VIe siècle et retombant à 6'25% au VIIe siècle (tab. 1).

Table 1.

200-299

300-399

400-499

500-599

600-699

Plaine

33,46%

37,00%

24,03%

25,50%

15,62%

Coteau

28,87%

27,32%

20,93%

25,49%

31,25%

Colline

32,39%

31,72%

49,61%

37,25%

46,88%

Grotte

5,28%

3,96%

5,43%

11,76%

6,25%

Les plaines et les versants semblent donc être les lieux de peuplement préférés pendant la première partie de la période d'étude (IIIe et IVe siècle) et les collines prennent de l’importance à partir du Ve siècle. La zone autour de la cité d’Osca est un exemple clair de changement de la structure de l’habitat vers des zones plus élevées. À partir du Ve siècle après J.-C. (et plus clairement au VIe siècle après J.-C.), on observe un déplacement vers des terrains plus élevés (au nord d’Osca) de l’habitat rural dans les environs immédiats. Un changement dans le système de production ou une transformation dans l’organisation du peuplement en sont peut-être les causes. Dans ces derniers temps de l’Empire, une déforestation intense a également été documentée dans les zones de moyenne et haute montagne (López Saez et al., 2007; Pérez-Díaz et al., 2016), ce qui pourrait être en liaison avec ce phénomène de montée en altitude à partir du Ve siècle. Cette déforestation est documentée dans certains diagrammes polliniques de la province de Huesca (Montserrat Martí 1992, 29 et annexes pour le diagramme) et en Navarre (Pérez-Díaz et al. 2015, fig. 2).

Dans les régions proches de notre zone d’étude (au nord des Pyrénées), à partir des IVe et Ve siècles, on observe une «augmentation progressive du nombre d’activités agropastorales [ce qui peut être la preuve d’une] extension de la production agricole à des altitudes plus basses» (Galop et al., 2001, p. 10). En d’autres termes, les activités agropastorales semblent se développer, comme le montre l’augmentation des graminées, et l’on observe également une utilisation de la forêt de moyenne montagne (Quercus diminue au profit de Fagus). Cela a été clairement documenté dans la vallée du Duero, où les fouilles réalisées sur le site de «Los Melgares» ont même permis de mettre en évidence un dépôt cendreux datant de l'époque wisigothique, qui a été lié à l›utilisation de charrues à feu pour défricher la forêt (Blasco González et al., 2009, p. 295). Peut-être sommes-nous confrontés à une augmentation de la pression anthropique sur les zones de moyenne et haute montagne afin d’obtenir de plus grandes ressources ? La zone de montagne est-elle utilisée à des fins d’élevage ?

3.2.1.2. Les voies de communication

Nous avons utilisé le shapefile des cours d’eau classées selon «Pfafstetter modifié» de 2018 au 1: 25000e. Notons que les auteurs de la cartographie ont modifié l’algorithme initial de «Pfafstetter» en identifiant le cours d’eau principal par son nom en établissant un code de couleur différent de 0 a 14 selon la catégorie. L’importance des cours d’eau dans la structuration du peuplement tardif a pu être mesuré en faisant un calcul de proximité géodésique sans tenir compte du relief (calcul Generate near table). La méthode «Pfafstetter» est basée sur l’extension des sous-bassins et prend comme canal principal celui qui possède le plus grand sous-bassin, de sorte qu’il ne coïncide souvent pas avec celui défini dans la cartographie. Pour cette raison, la cartographie que nous utilisons, provenant du Ministère d’Agriculture, Pêche, Alimentation et Environnement, peut être téléchargée sous une forme modifiée.

Afin de faire une analyse comparative, nous avons sélectionné les rivières principales de type 0-3 (cours d’eau importants et ses principaux affluents), les cours d’eau secondaires (type 4-5) et ceux de type 6-12 (tertiaires, ruisseaux et similaires). Dans la carte de répartition générale des sites, nous notons que ceux-ci sont situés autour des principaux cours d’eau (0-3 «Pfafstetter modifié»). À Huesca, la Cinca et l’Alcanadre articulent le peuplement, tandis qu’à Saragosse, il s’agit du Gállego et de l’Arba. En Navarre, ce sont l’Aragon, les Cidacos, l’Arga et l’Ega qui structurent l’espace. Ces résultats découlent d’une observation globale de l’ensemble des sites sans tenir compte de la dynamique temporelle. Que se passe-t-il si nous analysons les données de manière diachronique ? Y a-t-il des changements dans la répartition des sites à l’approche du Moyen Âge ?

Nous constatons que la proximité aux grands cours d’eau est restée stable aux IIIe et IVe siècles, avec une légère augmentation de la distance moyenne à partir du Ve siècle. En ce qui concerne les cours d’eau secondaires, au moins 50% des sites sont situés à moins de 250 m. La distance augmente légèrement au VIIe siècle. Ainsi, au fil du temps, les cours d’eau principaux semblent perdre de leur importance au profit des espaces inter-fluviaux irrigués par des canaux secondaires ou moins importants.

Au cours des IIIe et IVe siècles, les principaux cours d’eau articulent le peuplement. Au IIIe siècle, sur les 287 sites recensés, 173 sont situés à moins de 500 m d’un lit de rivière de catégorie 0-3, comme c’est le cas au siècle suivant (60'28% sont situés à proximité d’un grand fleuve). Au Ve siècle, la dynamique d’installation semble changer. Sur les 124 sites ruraux actifs au cours de ce siècle, 55'20% sont situés à moins de 500 m de distance d’un fleuve de catégorie 0-3 (tab. 2). À partir de ce siècle, les lits de rivières importants semblent ne plus avoir la préférence et le peuplement se concentre sur les espaces entre les rivières. Le pourcentage de sites situés à moins de 500 m d’un lit de rivière est inversé entre le IIIe et le VIIe siècle. Au IIIe siècle, 60'28% des sites sont situés à moins de 500 m d’une rivière de catégorie 0-3, tandis que 32'75% sont situés près d’une rivière de type 6-12; au VIIe siècle, la proximité aux grandes rivières est réduite à 17'07%, tandis que le pourcentage de sites situés près des rivières plus petites augmente à 43'90% (tab. 2). En effet, les établissements rejoignent les collines et s’éloignent donc des cours d’eau. D’un autre côté, les cours d’eau les plus importants peuvent être des endroits plus dangereux car ils sont les endroits plus fréquentés en raison de voies commerciales (on sait que l’Èbre, par exemple, était navigable jusqu’à Varea, l’actuelle Logroño; Cf. Parodi Álvarez, 2001; Parodi Álvarez, 2009), mais aussi une grande proximité avec des cours d’eau à fort débit et à fortes fluctuations, peut poser un problème de maintien des établissements humains en raison des inondations. Une monté vers les collines peut aussi s’expliquer dans le cadre d’une période instable du point de vue économique d’une occupation spatiale plus importante en raison de changements dans les modes d’utilisation des ressources.

Table 2.

% de sites à moins de 500 m d’un cours d’eau

Période

cat. 0-3

cat. 6-12

200-299

60,28%

32,75%

300-399

60,28%

32,75%

400-499

55,20%

35,20%

500-599

17,46%

38,10%

600-699

17,07%

43,90%

D’autre part, bien qu’il soit difficile d’évaluer le rôle du réseau routier dans l’articulation du peuplement – puisque nous ne connaissons pas exhaustivement les itinéraires –nous pouvons avancer quelques hypothèses. Nous avons utilisé les routes déterminées par I. Moreno (2009), qui sont les principales connues pour notre zone d’étude. Ainsi, les voies des régions de Navarre et de Saragosse (Cinco Villas) sont les plus connues, tandis que celles de Huesca restent peu connues.

En général, 50% des sites sont implantés à une distance inférieure à 15 km, et peu sont situés à moins de 5 km (la médiane est de 7). 48 sur 351 sont situés à moins de 1 km d’une route, soit 13'67% 27 entre 1 et 2 km (7'69%), 60 entre 2 et 5 km. (17'09%) et le reste, 216, plus de 5 km. (61'54%). Étant donné que les itinéraires dans certaines zones ne sont pas bien connus, les résultats ne sont pas très fiables, même si l’espace qui constitue le réseau viaire Tarraca-Pompelo, Segia-Somport et Pompelo-Iluberis, est le plus peuplé de la période tardive dans notre zone d’étude.

Analysant la proximité de manière diachronique, par siècles et par rapport au total, aucune variation n’est observée, sauf une légère augmentation de la distance au Ve siècle et une légère augmentation de la proximité au VIe siècle.

Dans notre cas, le peuplement a tendance à s’éloigner des routes principales au Ve siècle, peut-être pour des raisons d’instabilité ou d’insécurité face à la déstructuration de l’Empire romain et à la possible baisse d’attractivité liée à l’entretien sans doute plus négligé des tronçons routiers. La réfection des routes est documenté jusqu’au milieu du IVe siècle, mais nous n’avons aucune trace de réparations ultérieures (qui auraient sûrement été effectuées par l’administration wisigothe) (Lostal Pros, 1992; Moreno Gallo, 2009) (fig. 5).

Figure 5. Diagramme de boîtes et moustaches montrant de façon diachronique, par siècles, la distance des sites aux voies terrestres principales. ^ 

Par conséquent, et bien que nous ne puissions avancer que des hypothèses, il apparaît ce qui suit. En premier lieu, au Ve siècle, les principaux cours d’eau ont commencé à perdre de leur importance au profit des espaces inter-fluviaux. En même temps que les routes terrestres perdent de leur attractivité. Plus tard, aux VI et VIIe s., alors que la distance avec l’espace inter fluvial augmente, le rôle des routes terrestres semble se révéler à nouveau.

4. LES DYNAMIQUES TEMPORELLES ^ 

Après avoir effectué une analyse générale de la dynamique spatiale du peuplement, nous poursuivons ici avec la dynamique temporelle. Nous allons d’abord procéder à une évaluation globale de la tendance général que suit l’ensemble de sites pour connaître l’évolution durant les cinq siècles. Nous continuerons avec une explication de l’évolution temporelle des différentes catégories du peuplement pour observer les éventuels changements de dynamiques en fonction de la typologie du site.

Globalement, le nombre des sites se maintien entre le IIIe et le IVe s. (respectivement 287 sites puis 282), mais il diminue ensuite considérablement au Ve s. (124 sites) et encore davantage au VIe s. (64 sites) (fig. 6). Au VIIe siècle, seuls 41 sites sont recensés. Sans tenir compte des créations et des abandons, il y a donc une réduction de 241 sites sur toute notre fourchette chronologique.

Figure 6. Évolution générale des sites. Le nombre total de sites ruraux actifs par siècle est représenté. ^ 

Afin de pouvoir en observer l’évolution, nous avons choisi de calculer la représentativité de chaque groupe de sites par rapport au nombre total. Nous allons d’abord conduire l’analyse à partir des données quantitatives, puis nous passerons aux pourcentages basés sur la représentativité.

Les sites indéterminés sont les plus représentés quantitativement, suivis par les villae et les exploitations agricoles. Les sites de passage (mansio, statio) et les églises sont les moins nombreux. Les sites indéterminés diminuent progressivement au fil du temps. De 140 sites actifs au IIIe siècle, ils passent à 124 au siècle suivant, 52 au Ve siècle et à 12 au cours des deux derniers siècles (tab. 3).

Table 3.

200-299

300-399

400-499

500-599

600-699

Sites non clasés

140

124

52

15

12

Villae

76

71

43

11

0

Exploitation agricole

46

49

25

6

2

Habitat de pasage

1

2

1

1

0

Hameaux

18

19

15

10

7

Nécropoles

4

11

14

16

13

Sites religieaux

0

0

0

3

3

Sites fortifiés / en hauteur

5

9

5

4

2

Sites en grotte

8

9

8

5

1

Les villae, catégorie la plus représentée quantitativement après les sites non classés, sont au nombre de 76 au début de la période d’étude. Cette quantité se réduit progressivement jusqu’au VIIe siècle (durant ce dernier, aucun site de ce type ne reste actif). Les exploitations agricoles les suivent en nombre; en partant de 46 sites actifs au IIIe siècle, ils sont en légère augmentation au siècle suivant (49 sites), pour ensuite revenir à des niveaux inférieurs (25, 6 et 2 respectivement au cours des trois siècles suivants). Les autres catégories sont moins nombreuses. En fait, le nombre de sites actifs aux VIe et VIIe siècles est bien inférieur à celui des siècles précédents.

Au IIIe siècle, les sites non classés étaient les plus représentés, suivis par les villae avec 26% et les exploitations agricoles avec 15%. Les autres typologies maintiennent des pourcentages très faibles. Au IVe siècle, le scénario est assez similaire, avec de légères variations (tab. 3). Au Ve siècle, pour les catégories villae et «exploitation agricole», nous revenons à des pourcentages similaires à ceux du IIIe siècle. Des hausses significatives sont constatées dans les hameaux et les nécropoles, qui passent respectivement de 6'49% et 3'74% au IVe siècle à 9'2 et 8'59% au Ve siècle. Il y a également une légère augmentation dans les sites de hauteur et les grottes.

C’est au VIe siècle que l’on remarque réellement une variation des pourcentages (fig. 7). Les villae poursuivent leur dynamique de baisse du siècle précédent, avec 15,49% de représentativité; ceux de la catégorie «exploitation agricole» réduisent aussi leur présence. Mais c’est le contraire qui se produit avec les autres catégories; toutes augmentent leurs proportions. Il se produit aussi une augmentation du nombre des hameaux et des nécropoles, passant respectivement, à 14'08 et 22'54% au VIe siècle. Moins notoire est l’augmentation des catégories «sites religieux», «sites de hauteur» et «grottes», qui voient également leur représentativité s’accroître au cours de ce siècle.

Figure 7. Distribution de sites dans l’aire d’étude. Comparaison entre le IIIe et le VIe siècle. ^ 

Au VIIe siècle, les sites de type villae et «sites de passage» disparaissent; et la présence d’exploitations agricoles est très réduite. Les sites en hauteur et les grottes sont anecdotiques. Par conséquent, lorsque la villa, au moins comme résidence aristocratique, disparaît (entre la fin du Ve siècle et le début du VIe siècle), ce sont les exploitations agricoles qui se sont stabilisées et sont devenues le type de site le plus représentatif. Il en va de même pour les nécropoles, qui augmentent leur poids dans le système à partir du Ve siècle. Le groupe d’exploitations agricoles suit la même dynamique que le groupe des villae, bien que contrairement aux villae, il soit légèrement présent au VIIe siècle. Un phénomène intéressant est celui des grottes. Une nouvelle typologie qui semble avoir débuté au IIIe siècle mais elle connaît son plus grand essor, du moins d’après les données matérielles disponibles, au IVe siècle (Cf. Gamo Pazos, 2013 et al., 2017). Cependant, si l’on examine leur représentativité, celle-ci est un peu plus importante au Ve siècle. En fait, les quantités de monnaies sont les plus importantes entre le IVe et le Ve siècle, avec pratiquement aucun matériel datant du IIIe siècle (Tobalina-Pulido et al., 2015). Bien que nous trouvions des habitations troglodytes dans la période haute-impériale, le nombre de cas est assez anecdotique par rapport à la période tardive ou du bas Empire. Nous avons réalisé une étude complète pour toute la période antique et nous avons observé et vérifié que les grottes de la partie occidentale des Pyrénées, dans leur majorité, présentent essentiellement du mobilier tardoantique, le mobilier alto-impérial étant le plus souvent anecdotique. Nous nous référons à l’étude que nous avons réalisée dans le cadre du projet POEM (Mobilités et échanges dans les Pyrénées occidentales et leurs piémonts. Approche diachronique) de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (Tobalina-Pulido et al., 2015).

Afin de vérifier graphiquement quelle est l’évolution croisée des sites qui semblent articuler le peuplement dans cette période, nous avons réalisé un diagramme d’évolution linéaire dans lequel nous montrons la dynamique des villae, des hameaux, des nécropoles et des églises / sites religieux. Les hameaux et les nécropoles ont une présence discrète au cours des IIIe et IVe siècles leurs graphiques parallèles allant jusqu’au Ve siècle. Ceux de la catégorie «villae» et «nécropole», commencent la période avec des dynamiques opposées, avec une forte présence des villae et aucune représentation des centres religieux. Les quatre lignes montrent des signes de changement au Ve siècle. Cette transformation se produit cependant de manière très différente.

Dans le cas des villae, elles se raréfient, jusqu’à leur disparition complète au VIIe siècle. Le processus inverse est suivi par les nécropoles, qui, avec une représentation minimale au cours des IIIe et IVe siècles, connaissent une augmentation substantielle au Ve siècle. La même tendance, mais plus discrète, est suivie par les sites de types hameaux et religieux (fig. 8).

Figure 8. Comparaison de la dynamique des sites de type villae, hameaux, nécropole et religieux. ^ 

Ainsi, au Ve siècle, un changement dans la dynamique du peuplement de notre région est amorcé, produisant une inversion par rapport à la tendance des siècles précédents. On constate une diminution notable du nombre de sites, avec des interprétations possibles: une mauvaise connaissance de la production céramique à partir du Ve siècle mais surtout du VIe et VIIe siècles (Caballero Zoreda, 1966; Paz Peralta, 1991, 2008 ; García Díaz et al., 1994; Zuza Astiz et al.) une concentration de la propriété, notamment documentée dans d’autres régions comme le sud-est de l’Espagne (López-Medina, 2008, p. 120) ou encore une période climatique défavorable (Mccormick et al., 2012). La concentration de la propriété vers un système latifundiaire, ainsi qu’un changement des pratiques agro-pastorales semblent être possibles. Des textes tels que le testament de San Vicente (Ortuño Pérez, 1999) montrent la réalité d’une considérable concentration de la propriété foncière; en outre, les diagrammes polliniques montrent une importante déforestation et donc une recherche de terres à cultiver ou à utiliser comme pâturages dans les zones hautes.

D’autre part, les villae, qui étaient jusqu’alors les plus représentées, perdent de leur importance au profit de nouveaux types telles que les nécropoles sans habitat apparemment associé, les hameaux ou les centres religieux. Les graphiques montrent la transformation et le changement de modèle dans le système de peuplement tardif à partir du Ve siècle. Cette nouvelle réalité est similaire à celle d’autres territoires où la villa laisse place au trinôme formé par le hameau, l’église et la nécropole, c’est-à-dire, une forme d’occupation alto-médiévale (López Quiroga, 2006; Vigil-Escalera Guirado, 2009; Gutiérrez González, 2008).

5. DISCUSSION ^ 

Cette première approche des dynamiques spatio-temporelles permet de proposer quelques hypothèses de travail que les études à venir mettront à l’épreuve. Même si les données dont nous disposons sont partielles et imprécises, leur intégration permet d’établir au moins deux modèles bien différenciés, avec des rythmes dissemblables pour chacun d’eux: un pour les IIIe et IVe (et peut-être une bonne partie du Ve siècle) et un autre pour la période finale (moitié-fin du Ve jusqu’au VIIe siècle).

Les plaines alluviales deviennent l’épine dorsale du peuplement pendant toute la période d’étude, mais à partir du Ve siècle, les zones inter-fluviales jouent un rôle plus important au détriment de ces derniers.

Il est aussi possible de constater un changement dans les préférences des installations. L’implantation sur les collines et les versants est plus importante que celle des plaines à partir de ce moment, au VIe siècle. Cela coïncide avec un moment de déforestation importante enregistrée dans plusieurs tourbières de la zone pyrénéenne (Saez et al., 2007; Blasco González et al., 2009) et qui pourrait montrer une augmentation des activités pastorales (Dans la vallée du Duero, la même pratique a été enregistrée en utilisant des feux de broussailles pour fournir des zones de pâturage; Cf. Blasco González et al., 2009), mais aussi une plus grande activité forestière pour disposer du combustible.

D’autre part, on peut constater une diminution du nombre de sites qui devient plus évidente à partir du Ve siècle après J.C. (41 sites actifs seulement au VIIe siècle). Ce mouvement progressif est similaire à celui constaté dans d’autres régions de la péninsule Ibérique comme la Cerdagne (Olesti i Vila et Mercadal i Fernandez, 2010), l’Alto Alentejo (Carneiro, 2017), le Bas Guadalquivir (García Vargas et al., 2013) ou la région du Turia-Palancia (Pérez Mínguez, 2006). Cette dynamique s’observe aussi en Provence (Trément, 2001) ou le Boischaut Sud (Gandini, 2008) et montre à la fois une possible concentration de la propriété autour de grands domaines (Ariño Gil et Diáz, 1999, p. 179; Gutiérrez González, 2012, pp. 599-614; Ariño Gil, 2013), bien une possible absence d’études archéologiques et céramiques pour la période comprise entre le Ve et VIe siècle., lorsque la production de céramique est moins connue (Paz Peralta, 1991; Hernández Vera, Bienes Calvo, 2003; Martín Viso et al., 2018).

En considérant de manière diachronique le poids des différents établissements dans le système de peuplement, on observe une transformation du système général de peuplement. Ainsi, le Ve siècle semble marquer la séparation entre deux modèles; non seulement le nombre de sites ruraux actifs est réduit de façon drastique, mais il se produit également un changement dans la dynamique du peuplement. Le cas le plus frappant est celui des villae; mais cela s’observe aussi dans les hameaux, les nécropoles et les édifices religieux. Il est possible de confirmer la disparition des villae entre la fin du Ve et le début du VIe siècle, au moins comme dans leur conception du Bas-Empire des résidences aristocratiques. On constate aussi une transformation de la dynamique qui semble avoir son point de basculement au Ve ou VIe siècle. Cela permet de proposer deux modèles de peuplement différents: l’un pour les IIIe et IVe siècles (peut-être aussi une bonne partie du Ve siècle) et une autre pour la période finale (du milieu et de la fin du Ve au VIIe siècle).

Le premier modèle, se caractérise, du moins en apparence, par le fait que les villae sont le type central pour l’articulation du peuplement et qu’il y a une préférence pour les localisations dans les plaines et à proximité des cours d’eau importants (principaux affluents de l’Èbre). J.A. Gutiérrez fait remarquer qu’à la fin de l’époque romaine, un cadre d’influences territoriales peut être ressenti autour des villae, bien qu’il précise qu’on ne peut pas déterminer les limites et les extensions réelles des fundi de ces propriétés (Gutiérrez González, 2012, p. 602).

Dans le second modèle, les villae perdent leur suprématie. Les fermes, les nécropoles et les églises semblent donc assumer ce rôle (bien qu’il n’y a pas encore suffisamment d’évidences pour connaître comment se produit la transition entre le deux systèmes). En bref, ce sont trois catégories qui sont complémentaires et font partie du même système, bien qu’il n’y ait pas d’exemples dans lesquels les trois sont clairement imbriqués chronologiquement et spatialement. En outre, les espaces de hauteur polarisent davantage des sites, comme c’est le cas des zones inter-fluviales au détriment des abords des cours d’eau importants. Ce deuxième modèle semble être le germe du système de peuplement du début du Moyen Âge, dans lequel les villages et les églises étaient les catégories dominantes (López Quiroga, 2006; Gutiérrez González, 2008; Vigil-Escalera Guirado, 2009, pp. 315-339).

Financement et remerciements ^ 

Cet article entre dans le projet postdoctoral «Les systèmes de peuplement dans la péninsule Ibérique à la fin de l’Antiquité: approches pluridisciplinaires et comparatives dans un contexte d’incertitude de la donnée. DYNAT-INC» que nous réalisons actuellement à la Casa de Velázquez tant que membre scientifique (https://www.casadevelazquez.org/recherche-scientifique/chercheurs/leticia-tobalina-pulido/). Ce projet est la continuité de nos recherches doctorales. Nous voudrons remercier à F. Réchin (Professeur de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour) ainsi que Sébastien Cabes, Alain Campo (Doctorants en Archéologie de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour) et Jean-Baptiste Lebret (membre de la Casa de Velázquez-EHEHI) ainsi que Luis Gethsemaní Pérez-Aguilar (IAM-CSIC) et Alberto Polo (URJC) pour leurs relectures et suggestions. Je remercie aussi Caroline Ruiz, Marion Billard et Amélie De las Heras, membres de la Casa de Velázquez-EHEHI, ainsi que Gwladys Bernard (directrice d’études de la Casa de Velázquez), pour la révision linguistique du texte. Cependant, toutes les déclarations faites dans ce texte sont de la responsabilité de l’autrice.

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