DOI: https://dx.doi.org/10.12795/rea.2025.i49.06
Formato de cita / Citation: El Bakkari, M. (2025). Vegetation health evolution and erosion impacts in the Upper Oueltana region (Morocco): An NDVI-based analysis. Revista de Estudios Andaluces,(49), 112-129. https://dx.doi.org/10.12795/rea.2025.i49.06
Correspondencia autor: mohamed.elbakkari@usmba.ac.ma (Mohamed El Bakkari)
Mohamed El Bakkari
mohamed.elbakkari@usmba.ac.ma 0009-0000-0365-5705
Laboratoire Recomposition de l’Espace et Développement Durable, Department of Geography, Faculty of Letters
and Human Sciences, Chouaïb Doukkali University, El Jadida, Av. Khalil Jabran, 27, 24000 El Jadida, Morocco.
INFO ARTÍCULO |
RÉSUMÉ |
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Reçu: 30/01/2024 Revu: 27/07/2024 Accepté: 29/10/2024 LES MOTS CLÉS Santé végétale Images satellites Érosion hydrique Agriculteur Défis environnementaux |
L’article explore l’évolution de la santé végétale dans la région d’Oueltana amont à travers l’analyse de l’indice de végétation normalisé (NDVI) entre 1984 et 2016. L’indice NDVI, calculé à partir des images satellites, montre une tendance générale à la régression de l’activité végétale malgré des fluctuations saisonnières et annuelles. Cette dégradation est principalement attribuée à la surexploitation des forêts et aux pratiques agricoles non durables telles que le défrichement et le surpâturage. L’érosion hydrique, exacerbée par la diminution du couvert végétal, est identifiée comme une conséquence majeure de ces activités humaines. Les terrains très accidentés de la région sont particulièrement vulnérables à ce phénomène, affectant la fertilité des sols et la qualité de l’eau. Les pratiques agricoles inadaptées, telles que le labour intensif et la jachère, aggravent encore ce problème en réduisant l’infiltration et en augmentant le ruissellement. Les agriculteurs locaux ont adopté des stratégies d’adaptation, telles que la culture d’arbres fruitiers et la construction de terrasses, pour atténuer les effets de l’érosion et améliorer la gestion des ressources en eau. Cependant, ces efforts sont confrontés à des défis tels que le coût élevé d’entretien et la déprise rurale, limitant leur efficacité à long terme. L’article met en lumière l’importance de politiques et de pratiques agricoles durables pour préserver la santé écologique de la région, soulignant la nécessité d’une gestion intégrée des ressources naturelles et d’une participation communautaire accrue pour renforcer la résilience face aux défis environnementaux croissants. |
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KEYWORDS |
ABSTRACT |
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Vegetation health Satellite images Water erosion Farmer Environmental challenges |
The article explores the evolution of vegetation health in the upstream Oueltana region through the analysis of the Normalized Difference Vegetation Index (NDVI) between 1984 and 2016. The NDVI, calculated from satellite images, shows a general trend of declining vegetation activity despite seasonal and annual fluctuations. This degradation is primarily attributed to the overexploitation of forests and unsustainable agricultural practices such as deforestation and overgrazing. Water erosion, exacerbated by the reduction in vegetation cover, is identified as a major consequence of these human activities. The highly rugged terrain of the region is particularly vulnerable to this phenomenon, affecting soil fertility and water quality. Inadequate agricultural practices, such as intensive plowing and fallowing, further aggravate this problem by reducing infiltration and increasing runoff. Local farmers have adopted adaptation strategies, such as the cultivation of fruit trees and the construction of terraces, to mitigate the effects of erosion and improve water resource management. However, these efforts face challenges such as high maintenance costs and rural depopulation, limiting their long-term effectiveness. The article highlights the importance of sustainable agricultural policies and practices to preserve the ecological health of the region, emphasizing the need for integrated natural resource management and increased community participation to enhance resilience in the face of growing environmental challenges. |
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PALABRAS CLAVE |
RESUMEN |
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Salud vegetal Imágenes satelitales Erosión hídrica Agricultor Desafíos ambientales |
El artículo explora la evolución de la salud vegetal en la región de Oueltana Alta a través del análisis del índice de vegetación normalizado (NDVI) entre 1984 y 2016. El índice NDVI, calculado a partir de imágenes satelitales, muestra una tendencia general a la regresión de la actividad vegetal a pesar de las fluctuaciones estacionales y anuales. Esta degradación se atribuye principalmente a la sobreexplotación de los bosques y a las prácticas agrícolas no sostenibles, como la deforestación y el sobrepastoreo. La erosión hídrica, exacerbada por la disminución de la cobertura vegetal, se identifica como una de las principales consecuencias de estas actividades humanas. Los terrenos muy accidentados de la región son particularmente vulnerables a este fenómeno, afectando la fertilidad del suelo y la calidad del agua. Las prácticas agrícolas inadecuadas, como el arado intensivo y el barbecho, agravan aún más este problema al reducir la infiltración y aumentar la escorrentía. Los agricultores locales han adoptado estrategias de adaptación, como el cultivo de árboles frutales y la construcción de terrazas, para mitigar los efectos de la erosión y mejorar la gestión de los recursos hídricos. Sin embargo, estos esfuerzos se enfrentan a desafíos como el alto costo de mantenimiento y el abandono rural, lo que limita su efectividad a largo plazo. El artículo destaca la importancia de políticas y prácticas agrícolas sostenibles para preservar la salud ecológica de la región, subrayando la necesidad de una gestión integrada de los recursos naturales y una mayor participación comunitaria para fortalecer la resiliencia frente a los crecientes desafíos ambientales. |
Les écosystèmes semi-arides sont parmi les régions les plus vulnérables aux changements environnementaux mondiaux, marqués par des variations climatiques et des pressions anthropiques croissantes. Ces zones, essentielles pour la biodiversité et le bien-être humain, connaissent des transformations rapides qui affectent leur capacité à soutenir la vie sauvage et les communautés locales. Parmi ces régions, Oueltana Amont se distingue comme un exemple poignant de paysage semi-aride en évolution constante, confronté à des défis écologiques et socio-économiques significatifs.
Oueltana amont, notre territoire d’étude qui correspond à trois communes territoriales: Tifni, Sidi Boulkhalf et Ait Blal, fait partie du Haut Atlas Central, une région montagneuse, entaillé par des vallées dont l’unique activité est constituée par l’élevage et l’agriculture vivrière, pratiqué sur les rives et les étroites terrasses. Néanmoins, ce territoire est aussi une zone sensible où les ressources naturelles sont soumises à de fortes pressions de natures climatiques et anthropiques. (El Bakkari, 2020)
Le territoire est édifié dans le Haut Atlas calcaire, le développement et l’extension des formations calcaires du Jurassique donnent à cette partie de l’Atlas un caractère particulier. Elles constituent la ligne de faîte de cette partie de la chaîne où l’altitude demeure très élevée et où les principaux sommets dépassent 3500 m: ce sont l’Irhil-M’Goun (4071 m), les jbels Tignousti (3825 m), Tiferdine (3770 m), Ayachi (3757 m), Azourki (3690 m) et Anghomer (3.607 m). Tous ces massifs sont constitués de plis jurassiens assez réguliers, fréquemment rompus par des failles; les anticlinaux allongés, aigus, dissymétriques succèdent aux synclinaux très larges à allure de cuvettes. (Michard, 1976)
Figure 1. Situation de la zone d’étude dans le Haut Atlas Central. Source: El Bakkari, 2020.
Nichée dans la province d’Azilal, la région d’Oueltana Amont présente une complexité environnementale unique, influencée par des facteurs tels que les précipitations irrégulières, les pratiques agricoles traditionnelles et les changements dans l’utilisation des terres. Ces dynamiques ont façonné la végétation de manière tangible au fil des décennies, avec des impacts potentiels sur la biodiversité locale et les services écosystémiques essentiels. Comprendre ces changements devient crucial non seulement pour la préservation de la nature mais aussi pour la durabilité des moyens de subsistance humains dans un contexte de plus en plus instable et incertain.
Cette étude s’attache à explorer la dynamique de la végétation dans la région d’Oueltana Amont sur une période de 32 ans, en utilisant une combinaison innovante de données satellitaires et d’indices de végétation avancés. En adoptant une approche holistique, nous examinons non seulement l’évolution spatiale des zones végétales mais aussi les implications de ces changements pour la résilience écologique et la gestion durable des ressources naturelles. Notre analyse se concentre sur l’utilisation de l’indice de végétation par différence normalisée (NDVI) et d’autres paramètres pour quantifier les changements de couverture végétale et évaluer les tendances associées à différentes intensités de pression humaine et climatique.
Cette recherche vise à fournir des insights précieux pour les décideurs, les gestionnaires de l’environnement et les communautés locales en mettant en lumière les défis et les opportunités liés à la conservation et à la gestion des terres dans les régions semi-arides. En identifiant les moteurs des changements environnementaux et en proposant des stratégies adaptatives, nous espérons contribuer à renforcer la résilience des écosystèmes et à soutenir le développement durable dans des contextes similaires à travers le monde.
En somme, cette étude offre une perspective approfondie et nuancée sur la dynamique écologique d’Oueltana Amont, en mettant en évidence l’importance cruciale de la gestion intégrée des ressources naturelles pour garantir la durabilité à long terme de cet écosystème fragile et précieux.
La région semi-aride d’Oueltana Amont présente un écosystème fragile et dynamique, confronté à des défis environnementaux croissants résultant de la combinaison complexe de facteurs climatiques, anthropiques et géographiques. Cette section théorique vise à éclairer les principaux concepts et cadres théoriques sous-tendant notre analyse des changements de végétation dans cette région spécifique.
Les écosystèmes semi-arides, caractérisés par des précipitations irrégulières et souvent limitées, abritent une biodiversité adaptée à des conditions environnementales extrêmes. Cette adaptation est essentielle pour la résilience de ces écosystèmes face aux changements climatiques globaux et à d’autres stress environnementaux. Selon Reynolds et al. (2007), la dynamique des écosystèmes semi-arides est influencée par une combinaison complexe de facteurs biotiques et abiotiques, notamment la disponibilité en eau, les interactions biotiques et les pratiques de gestion des terres.
La variabilité climatique est un facteur clé dans la dynamique de ces écosystèmes, influençant la productivité primaire et la composition des communautés végétales (Dregne, 2002). Les périodes de sécheresse prolongée peuvent induire des changements structurels significatifs, tels que la réduction de la couverture végétale et l’augmentation de l’érosion des sols (Archer et al., 2017). Ces changements ont des implications directes sur la résilience écologique et les services écosystémiques fournis par ces régions semi-arides.
Les adaptations des plantes et des animaux à ces conditions environnementales difficiles sont étudiées pour comprendre comment ces écosystèmes maintiennent leur fonctionnement et leur diversité. Selon Schwinning et al. (2017), les écosystèmes semi-arides présentent souvent des seuils critiques où de petits changements dans les conditions environnementales peuvent déclencher des réponses disproportionnées. Par exemple, la présence d’espèces ligneuses comme les arbustes et les petits arbres peut modifier les cycles biogéochimiques et la disponibilité en eau dans le sol (Reynolds et al., 2007).
La gestion durable des écosystèmes semi-arides nécessite une compréhension approfondie de leur dynamique et des processus qui régulent leur fonctionnement. Les approches de restauration et de conservation doivent être adaptées pour tenir compte des interactions complexes entre les composantes biotiques et abiotiques de ces écosystèmes (Archer et al., 2017). Par exemple, des pratiques de gestion des pâturages qui favorisent une utilisation durable des ressources peuvent contribuer à prévenir la dégradation des terres et à maintenir la biodiversité (Dregne, 2002).
Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre comment les écosystèmes semi-arides répondront aux pressions croissantes résultant du changement climatique et de l’exploitation humaine. Des études sur la résilience écologique, les cycles de nutriments et les interactions trophiques sont essentielles pour développer des stratégies de gestion adaptatives (Schwinning et al., 2017). De plus, l’intégration de données satellitaires et de modèles de simulation peut fournir des outils précieux pour prédire les changements à long terme et évaluer l’efficacité des interventions de gestion (Reynolds et al., 2007).
En somme, la dynamique des écosystèmes semi-arides est un domaine de recherche crucial pour comprendre la résilience écologique face aux défis environnementaux actuels. Une approche intégrative, combinant des données de terrain, des études expérimentales et des techniques de modélisation, est nécessaire pour élucider les mécanismes sous-jacents et développer des stratégies efficaces de gestion et de conservation.
L’utilisation des indices de végétation dans la surveillance satellitaire est une pratique essentielle pour évaluer la santé et la dynamique des écosystèmes terrestres à grande échelle. Ces indices exploitent les propriétés spectrales des surfaces terrestres observées par les capteurs des satellites pour quantifier divers aspects de la végétation. Ils sont largement utilisés en raison de leur capacité à fournir des informations détaillées sur la couverture végétale, la croissance des cultures, et la réponse des écosystèmes aux changements environnementaux.
L’indice de végétation le plus couramment utilisé est le NDVI (Normalized Difference Vegetation Index), qui mesure la quantité de chlorophylle dans les plantes en comparant la réflectance de la lumière rouge et proche infrarouge. Le NDVI varie de -1 à +1, où des valeurs élevées indiquent une végétation dense et saine. Par exemple, une étude récente utilisant des données satellitaires a montré que le NDVI peut être utilisé pour suivre la croissance des cultures et prédire les rendements agricoles avec une précision significative (Smith et al., 2020).
En plus du NDVI, d’autres indices comme l’EVI (Enhanced Vegetation Index) et le SAVI (Soil Adjusted Vegetation Index) sont également utilisés pour corriger les distorsions causées par le sol et améliorer la précision des estimations de la végétation. Par exemple, l’EVI, qui intègre également la bande bleue du spectre, est souvent préféré dans les régions où le sol est exposé ou les couvertures nuageuses sont fréquentes (Jiang et al., 2019).
L’application des indices de végétation dans la surveillance satellitaire permet de surveiller les changements de l’environnement à diverses échelles temporelles et spatiales, facilitant ainsi la gestion des ressources naturelles, la prévision des risques de sécheresse, et l’évaluation de l’impact des activités humaines sur les écosystèmes. Par exemple, une recherche récente a utilisé des séries temporelles d’indices de végétation pour évaluer l’impact des incendies de forêt sur la régénération des écosystèmes forestiers (García et al., 2021).
En synthèse, l’utilisation des indices de végétation dans la surveillance satellitaire représente une approche puissante pour comprendre la dynamique des écosystèmes terrestres et répondre aux défis environnementaux contemporains. Cependant, malgré leurs avantages, il est essentiel de continuer à améliorer la résolution spatiale et temporelle des données satellitaires ainsi que la précision des modèles d’interprétation pour maximiser leur utilité dans la gestion durable des ressources naturelles.
Pour cette étude, des données provenant du programme Landsat de la NASA et de l’USGS ont été utilisées, couvrant la période de janvier 1984 à décembre 2016. Les images satellites, acquises à des dates spécifiques telles que le 1er janvier 1984, le 15 mars 1990, le 5 juin 1996, le 20 septembre 2002, le 10 décembre 2008, et le 25 mai 2016, ont été prétraitées pour corriger les distorsions radiométriques, géométriques et atmosphériques. Ce prétraitement, réalisé à l’aide du logiciel ERDAS IMAGINE, a inclus la correction des effets de la topographie et des variations atmosphériques afin d’assurer la qualité des données utilisées pour l’analyse.
L’analyse s’est principalement concentrée sur l’extraction de l’indice de végétation par différence normalisée (NDVI) à partir des images prétraitées. Le NDVI a été calculé en utilisant la formule standard: NDVI=(NIR–RED)(NIR+RED)NDVI = \frac{(NIR - RED)}{(NIR + RED)}NDVI=(NIR+RED)(NIR–RED), où NIR représente le rayonnement infrarouge proche et RED le rayonnement dans la bande rouge du spectre électromagnétique. Les valeurs de NDVI ont été agrégées mensuellement et annuellement pour détecter les variations saisonnières et interannuelles de la végétation dans la région d’Oueltana amont.
Ensuite, une analyse spatiale a été réalisée pour cartographier les variations du NDVI à travers la région d’étude et pour identifier les tendances temporelles sur la période de 32 ans. Les résultats obtenus ont été validés en comparant les variations du NDVI avec des données de terrain et des relevés botaniques disponibles. Cette méthodologie a permis d’obtenir une compréhension approfondie de la dynamique végétale dans la région d’oueltana amont, en mettant en évidence les principaux facteurs environnementaux et anthropiques influençant ces variations.
Nous avons procédé à l’analyse et l’interprétation des images Landsat TM et ETM+ pendant 32 ans (1984,2000, 2016) pour développer l’utilisation du sol et détecter son évolution dans le temps et dans l’espace. Les résultats de cette analyse nous a permis d’identifier six classes types d’occupation du sol: forêts, matorral, Euphorbia résinifiera, arboricultures fruitière, culture annuelle et terrain incultes.
Nous avons conclu que, la superficie du couvert forestier qui a été 5635,53 hectares en 1984, et représente 11,73 % de la superficie totale, se diminue à 3249,72 hectares en 2016 et représente 3,58% de la superficie totale. De ce fait, la perte annuelle globale est d’environ74,55 ha/ an. Avec une perte d’incluant Euphorbia résinifera et du couvert matorral s’élève à environ 32315,48 ha et représente 35,68% de la superficie totale, alors qu’elle a été d’environ 32589,61 en 1984 et représentait 67,84 % la perte annuelle globale est d’environ 8,56 ha/an.
Tableau 1. La superficie (ha) de recouvrement végétal dans Oueltana amont de 1984, 2000, 2016.
Classes d’occupation du sol |
Année 1984 |
Année 2000 |
Année2016 |
Variation (1984-2016) % |
|||
Superficie (ha) |
Proportion (%) |
Superficie (ha) |
Proportion (%) |
Superficie (ha) |
Proportion (%) |
||
Foret |
5635 ,53 |
11,73 |
3554,98 |
7,41 |
3249,72 |
3,58 |
-8,15 |
Matorral |
25540 |
53,17 |
23299,7 |
48,58 |
28461,7 |
31,43 |
-21,74 |
Espace arboré |
3843,63 |
8 |
4226,87 |
8,82 |
47323,06 |
52,26 |
44,26 |
Espace cultivé |
1049,22 |
2,19 |
3541,28 |
7,38 |
3727,51 |
4,12 |
1,93 |
Euphorbia résinifera |
1414,08 |
2,94 |
622,14 |
1,30 |
604,06 |
0,67 |
-2 ,27 |
Terrain nu |
10556,4 |
21,97 |
12716,3 |
26,51 |
7194 |
7,94 |
- 14,03 |
Source: traitement des images satellitaires de 1984, 2000, et 2016. Elaboration propre.
La couverture forestière dans la zone de l’étude est très importante et constitue l’ossature du système des activités humaines locales. Pourtant, cette ressource a subi une très forte régression surfacique durant les trois dernières décennies. Cette régression est un indicateur très pertinent de la fragilité de tout l’écosystème. Elle est aussi révélatrice du déséquilibre au niveau des interactions des deux systèmes: humain et naturel.
Pour l’appréciation de la dynamique surfacique de la couverture forestière, nous nous sommes appuyés sur l’analyse des images satellites, des trois années 1984.2000, 2016. À l’issu de cet exercice, il nous a été possible de constater que:
Cette tendance à la diminution des espaces forestiers est générale, mais renferme des disparités locales et des évolutions différentes selon les périodes.
Figure 2. Carte d’occupation du sol d’Oueltana amont en 1984. Source: El Bakkari, 2020.
Figure 3. Carte d’occupation du sol d’Oueltana amont en 2000. Source: El Bakkari, 2020.
Figure 4. Carte d’occupation du sol d’Oueltana amont en 2016. Source: El Bakkari, 2020.
La dynamique surfacique du couvert arboré «forêt, matorral, et euphorbia résinifera» à Oueltana amont, pour la période allant de 1984 à 2016, est de tendance globale négative. La figure 5 expose cette tendance.
Figure 5. La dynamique surfacique du couvert arboré d’Oueltana amont de 1984 à 2016. Source: traitement des images satellitaires de 1984, 2000, et 2016. Elaboration propre.
Toutefois cette régression est significative de 1984 à 2000 le couvert arboré a connu la plus forte régression de sa superficie. Il est passé d’environ 32589,61 ha à environ 27476,82, soit une perte de 319,54 ha/an. Alors que de 2000 à 2016, il a connu une légère augmentation d’environ 302,41 ha/an. Mais dans l’ensemble de la période 1984/2016, la perte parait nette et déterminée.
La figure 6 expose ce phénomène.
Figure 6. La variation annuelle par période du couvert arboré dans les trois communes (Tifni, Sidi Boulkhalf, Ait Blal). Source: traitement des images satellitaires de 1984, 2000, et 2016. Elaboration propre.
Le diagnostic de l’évolution de l’état du couvert forestier dans notre zone d’étude révèle une tendance nettement régressive, accentuée de manière significative entre 1984 et les années 2000. Cette diminution de la densité et de l’étendue des espaces forestiers indique un déséquilibre manifeste du couvert végétal à Oueltana Amont. Cette dégradation résulte de l’interaction complexe de multiples facteurs, tant physiques qu’anthropiques.
Les modalités d’utilisation de l’espace sont profondément influencées par divers éléments, incluant les structures agraires, les caractéristiques du milieu physique, et surtout les interventions humaines sur l’environnement. Les structures foncières, perturbées par divers événements historiques, introduisent une diversité d’usages dont certains sont en contradiction avec les contraintes du milieu naturel. La variabilité des tailles des exploitations influence également les pratiques agricoles existantes et les relations entre les cultivateurs et leurs terres (Tribak, 2000, p. 275).
Les écosystèmes naturels du Maroc ont subi au cours des deux derniers siècles des dégradations importantes, principalement sous l’effet de la pression exercée par la population locale sur les ressources naturelles, incluant le labourage, le surpâturage et la déforestation (El Khalki, 2017).
Historiquement, l’action humaine pré-protectrice se limitait à des activités de subsistance, aux effets graduellement faibles et intégrés dans la dynamique de stabilité des systèmes territoriaux d’Oueltana Amont. Cependant, depuis l’établissement du protectorat, l’impact anthropique s’est intensifié de manière brutale et continue dans le temps et l’espace. Les activités humaines, notamment celles à vocation commerciale, ont conduit à la rupture de l’équilibre systémique (stabilité dynamique des systèmes équilibrés) du couvert forestier à Oueltana Amont, surpassant largement la capacité d’autorégulation de l’écosystème.
Parmi les facteurs primordiaux contribuant à la forte régression du couvert forestier à Oueltana Amont entre 1984 et les années 2000, on peut citer:
Dans le cas d’un défrichement partiel visant à agrandir une parcelle déjà cultivée, l’opération est réalisée de manière proportionnée par rapport à la surface existante. Cette tactique d’expansion progressive empiète sur les terres du domaine Mahroum (Diyari, 2003, p. 64). Les arbres ou arbustes présents sont systématiquement coupés et leurs souches enlevées pour effacer toute trace de l’histoire du milieu. Le défrichement est ainsi perçu comme une réappropriation indirecte de l’espace collectif, les terres cultivées servant généralement de pâturages collectifs en dehors des saisons agricoles ou des périodes de jachère.
Au cours de cette période, la population considère les arbres naturels comme des risques potentiels à éliminer, leur présence pouvant constituer une justification à leur expropriation.
Un autre facteur illustrant la régression du couvert forestier depuis 1984 à Oueltana Amont est l’alimentation du bétail. En période de sécheresse, les pâturages et les chaumes estivaux dans les champs cultivés sont insuffisants pour nourrir les troupeaux. Pour pallier cette insuffisance, les éleveurs coupent les branches d’arbres dont les feuilles et les petites branches servent de source alimentaire complémentaire, voire principale, pour leur bétail. L’alimentation des troupeaux à base de feuillage est une pratique courante en moyenne et haute montagne, particulièrement en hiver, mais en période de sécheresse, la forêt est mise à contribution sur plusieurs saisons jusqu’à ce que les pâturages retrouvent une herbe suffisante.
L’indice de végétation par différence normalisée, appelé aussi NDVI, est calculé à partir du canal visible rouge (R) et du canal proche infrarouge (PIR) et met en valeur la différence entre ces deux bandes. (Jiang et al., 2006). Le résultat d’un NDVI prend la forme d’une nouvelle image, la valeur de chaque pixel étant comprise entre 0 (sol nu) et 1 (couvert végétal maximal) (Yvon-Carmen et al., 2004).
Nous nous sommes appuyés sur cet indicateur afin de suivre l’évolution de l’état de santé végétale dans notre zone d’étude entre 1984 et 2016. L’indice NDVI a été calculé (selon les images satellitaires disponibles) pour deux saisons: hiver et été des années 1984-1995-1998-2000-2003-2006-2011-2016. Cet exercice nous a amené à une observation globale qui veut que l’activité végétale de toutes les formations végétales locales tend vers la régression. Néanmoins, cette tendance générale enregistre des taux qui varient d’une période à l’autre et d’une saison à l’autre. L’activité chlorophyllienne de la végétation dans l’aire d’étude pour les deux saisons l’hiver (mois 2) et l’été (mois7) a connu un recul depuis 1984. La zone connait une diminution de son activité biologique durant la période de 1984 à 2006. Alors que 2006 à 2016 elle a connu une timide augmentation, mais garde toujours la même tendance régressive.
Les cartes du changement de l’activité chlorophyllienne issues de l’analyse de l’INDVI durant la période 1984 à 2016 illustrent clairement ce phénomène. La période allant de 1984 à 2006 enregistre la plus grande superficie à activité biologique en diminution (il correspond à une forte surexploitation du couvert forestier), alors que depuis 2006 à 2016, ce phénomène s’est atténué.
Il s’est atténué parce que les agriculteurs ont commencé d’une part à planter des arbres fruitiers (l’amandier, l’olivier, le caroubier..) et d’autre part, la substitution des arbres naturels par des arbres fruitiers. Grace à cette substitution, la superficie de l’arboriculture a passé de 4226,87 ha en 2000 à 47323,06 ha en 2016, avec une augmentation annuelle de 2693,51 ha/an. Cette substitution est réalisée en général avec des amandiers ou, si les conditions locales le permettent (cours d’oueds ou possibilité d’un arrosage ponctuel), avec des noyers, et des oliviers. Dans certaines parcelles, les agriculteurs procèdent par étapes: d’abord par un mélange raisonné des arbres fruitiers avec les arbres naturels, puis par l’élimination progressive de ces derniers au fur et à mesure que les premiers commencent à produire. La partie ainsi annexée peut être labourée et les arbres fruitiers assurent un revenu complémentaire. Cette stratégie est adoptée en particulier par les agriculteurs qui n’ont pas de titre de propriété et qui exploitent des parcelles héritées ou récemment défrichées.
Figure 7. La dynamique de la superficie de l’activité biologique (mois 2 et 7) par période dans la zone d’étude. Source: traitement des images satellitaires de 1984, 2000, et 2016. Elaboration propre.
Aussi durant cette période (2006-2016), la population a commencé d’utiliser les bouteilles de gaz aux usages domestiques. Cette nouvelle conversion dans le système de la cuisine à réduit sans doute le taux de consommation du bois de feu. Ainsi, si on compare la superficie de l’activité biologique de notre zone d’étude avec les résultats de la dynamique de son couvert arboré, on constate qu’il y a une certaine similarité très claire; car les zones qui correspondent à la régression de couvert arboré présentent une régression de leurs activités biologiques (figure 8).
Figure 8. La dynamique de la superficie du couvert arboré et de l’activité biologique (mois 2 et 7) par période dans la zone d’étude. Source: traitement des images satellitaires de 1984, 2000, et 2016. Elaboration propre.
Dès l’amorce de l’agriculture par l’homme, l’impact sur le milieu naturel s’est fait ressentir par la déforestation et l’exposition du sol nu aux éléments, particulièrement aux précipitations qui ont exacerbé l’érosion et le ruissellement. Cette interaction anthropique a profondément altéré l’horizon humifère du sol, entraînant des conséquences variées et complexes en termes d’érosion, influencées par la diversité et la dynamique du milieu naturel modifié par les activités humaines (El Garouani et al., 2003).
Dans les montagnes escarpées d’Oueltana amont, la fragilité du système biophysique est perceptible à travers des rétroactions néfastes entre ses composants. La dégradation marquée du couvert végétal affecte particulièrement le sol, soulignant ainsi la sévérité de la désertification des pâturages d’altitude et la diminution significative de la capacité de rétention des sols par les forêts et les matorrals (Baali, 2011).
Le sol d’Oueltana amont est clairement identifié comme un composant extrêmement fragile du système biophysique, susceptible de subir des impacts significatifs dus au déséquilibre de la couverture végétale. La dégradation du sol dans cette région est un processus intensif qui affecte tout l’espace, bien que les disparités entre les sous-bassins versants soient remarquables. L’érosion hydrique se distingue comme le type d’érosion prédominant, représentant une menace environnementale majeure pour la durabilité et la productivité des terres agricoles.
Hammouda (2010) souligne que l’érosion hydrique non seulement dégrade les terres de manière active, mais compromet également une ressource cruciale pour l’humanité: l’eau. Ce processus entraine une perte irréversible de surfaces cultivables, réduit la capacité de stockage des lacs naturels et artificiels, et contribue à la pollution de l’eau par les matériaux charriés lors des crues. Les épisodes de fortes pluies sont également responsables d’événements chroniques voire catastrophiques comme les inondations, particulièrement le long des cours d’eau, exacerbées par les crues turbides.
Au Maroc, selon les estimations de la FAO (1995), environ 12,6 millions d’hectares de terres cultivées et pâturées sont susceptibles d’être menacés par ces phénomènes d’érosion, soulignant l’ampleur et l’urgence de la gestion durable des ressources naturelles dans cette région critique.
L’érosion hydrique est indubitablement provoquée principalement par les précipitations, mais son ampleur est influencée par plusieurs autres facteurs cruciaux tels que le type de sol, la topographie du terrain, le couvert végétal et les activités humaines, comme le soulignent Wischmeier et Smith (1978) ainsi que King et al. (1992).
À l’échelle de la parcelle, deux paramètres clés jouent un rôle majeur dans la perte de sol : l’inclinaison de la pente et sa longueur. Dans la zone d’étude, environ 25% de la superficie est constituée de pentes dont l’inclinaison dépasse 15 degrés. Selon Rosse (1994), au-delà d’une pente de 20%, les rigoles résultant de l’érosion deviennent de plus en plus profondes (de 5 à 20 cm), ce qui contribue à créer une surface très accidentée.
Plus la pente est longue, plus le ruissellement s’accumule, prend de la vitesse, acquiert une énergie propre qui se traduit par une érosion en rigoles puis en ravines plus importantes (Roose, 1994). La topographie intervient aussi par sa forme, selon que le versant est concave ou convexe. Sur les versants de forme convexe, le ruissellement et l’érosion sont très minimes en haut du versant, mais augmentent très rapidement vers l’aval, alors que sur les pentes de forme concave, le ruissellement et l’érosion sont très élevés en amont puis diminuent graduellement en aval (Mayer et al., 1992, cité par Hammouda, 2010).
L’homme d’Oueltana amont a exercé des pratiques culturales inadaptées sur les versants ce qui a conduit à la modification de l’état de surface. Il a modifié profondément le comportement hydrologique des sols. De ce fait, il a aggravé et accéléré le déclenchement de l’érosion à cause de défrichement qu’il a opéré sur les forêts, le surpâturage, les pratiques culturales de labour.
Dans notre zone d’étude, le défrichement des forêts pour l’installation des cultures a envahi sur une période de 16 ans, presque 4856,74 ha de forêt et de matorral. Sur les parcelles cultivées, le sol est périodiquement mis à nu et fragilisé par les labours et les sarclages successifs. Ces terres cultivées sont sujettes à des réseaux d’incisions en rigoles qui peuvent causer des pertes en terre impressionnantes sous certaines conditions. Elles ont cependant des comportements différents vis-à-vis des processus d’érosion linéaires en fonction des cultures pratiquées. Le caractère saisonnier des cultures annuelles fait que les risques d’érosion restent très élevés sur la majorité des sols cultivés de cette façon. Les cultures semées à l’automne (céréales, légumineuses) ne commencent à couvrir le sol qu’à partir du mois de janvier, plus tard quand la sécheresse persiste jusqu’au mois de novembre ou décembre, ce qui engendre un retard du recouvrement des sols. Les terrains de culture restent donc nus pendant une bonne partie de l’année et sont directement exposés aux agents dégradants (Tribak et al, 2004). Selon Le Bissonnais et al. (2005), les cultures ne couvrent pas plus que 20% de la surface du sol pendant la période au cours de laquelle les précipitations sont les plus agressives.
Suite aux dommages considérables causés aux terres agricoles par l’érosion hydrique, diverses études se sont penchées sur la capacité de différentes cultures à protéger le sol contre ce phénomène dévastateur des pluies. Par exemple, l’orge présente un taux d’érosion inférieur de 26% par rapport au blé. Cette capacité accrue de l’orge à protéger le sol est attribuée à son pouvoir de tallage important et à sa meilleure tolérance à la sécheresse. En conséquence, l’orge est considérée comme moins sujette à l’érosion que le blé.
En général, les terres cultivées avec des céréales sont extrêmement vulnérables à l’érosion hydrique. Lorsque les précipitations annuelles dépassent 700 mm, le ruissellement sur ces terres peut représenter plus de 24% du total des précipitations, selon García-Ruiz (2010), cité par Hammouda (2010).
La pratique de la jachère est largement adoptée par la majorité des agriculteurs d’Oueltana amont. Cette méthode vise à restaurer la matière organique et les éléments chimiques nécessaires pour stabiliser la structure des sols. Cependant, malgré ses bénéfices pour la fertilité des sols, la jachère présente également des inconvénients significatifs en termes d’érosion hydrique.
Lorsque les terres sont en jachère, après avoir été déchaumées en été, elles deviennent dépourvues de végétation et sont sujettes au durcissement et à la compactation à cause de la sécheresse estivale, qui peut parfois se prolonger jusqu’au mois de novembre. Cette compaction accrue réduit la capacité d’infiltration de l’eau dans le sol et favorise le ruissellement lors des premières pluies d’automne, souvent intenses et violentes. Cela entraîne la formation de multiples rigoles sur ces terrains.
Des études, comme celles menées à Douar Ali Lafhal dans les montagnes du Prérif Oriental au Maroc, indiquent des différences significatives dans l’infiltration entre les parcelles en jachère non travaillée et celles fraîchement travaillées. Par exemple, l’infiltration peut passer de 2,8 cm/h sur une parcelle en jachère non travaillée à 4 cm/h sur une parcelle fraîchement travaillée (Tribak et al., 2004).
L’utilisation intensive de tracteurs dans les opérations de labour entraîne un phénomène de tassement du sol, réduisant ainsi sa capacité d’infiltration. De plus, le labour effectué le long des pentes aggrave le ruissellement des eaux de pluie, augmentant par conséquent le détachement des particules du sol et favorisant son érosion.
Des études menées au Maroc, notamment dans la région du Prérif occidental, mettent en évidence les conséquences de ces pratiques agricoles. Par exemple, les pertes de terre sur un sol labouré au tracteur sont estimées à environ 543 tonnes par kilomètre carré, alors qu’elles ne sont que de 112 tonnes par kilomètre carré sur un sol labouré à l’araire (Heusch, 1970, cité par Hammouda).
Certains chercheurs soutiennent que le labour peut améliorer la porosité des sols et, par conséquent, leur capacité d’infiltration. Il aide à briser les croûtes superficielles et à renforcer la rugosité du sol, retardant ainsi le ruissellement et même le prévenant lors de pluies de faible intensité (Tribak et al., 2004). Cependant, d’autres experts estiment que bien que le labour puisse temporairement améliorer l’infiltration, il accélère également la minéralisation de la matière organique et fragilise la résistance des agrégats face à l’érosion causée par l’énergie des pluies (Sabir et al., 2004).
Un autre facteur déterminant dans le processus de l’érosion est le pâturage, ce dernier était autrefois dans notre territoire d’étude saisonnier et le bétail se déplace sur des distances considérables pour assurer son alimentation. Actuellement, les éleveurs sont devenus sédentaires. Ils exercent donc une forte pression sur les terrains de parcours proches des douars. La charge animale supportée par les parcours est couramment supérieure à ce qu’elle devrait être. Cela se traduit par une modification des caractéristiques hydrologiques du sol et une augmentation de la perte en terre. La relation est inversement proportionnelle entre la charge animale et le taux de variation annuel du couvert arboré, le coefficient de corrélation est d’environ -0,599. (Baali, 2011)
Les pratiques de transhumance, ancrées depuis des générations parmi les éleveurs, connaissent actuellement des évolutions significatives marquées par une sédentarisation croissante et une appropriation croissante des terres collectives. Ces changements ont conduit à une exploitation excessive des ressources, en particulier des ressources végétales. Naggar (2000) met en lumière ces transformations en soulignant que « le pastoralisme, traditionnellement exercé, subit des mutations profondes en raison de l’accroissement démographique, de la sédentarisation des pasteurs, de l’avancée de l’économie de marché, ainsi que des modes et des pratiques d’utilisation des ressources pastorales par les éleveurs» (Naggar, 2000).
Le surpâturage a entraîné la disparition significative de la couverture végétale, exposant ainsi de vastes étendues de sol aux effets néfastes de l’érosion causée par les pluies et le ruissellement. Selon Rey et ses collègues (2002), la végétation joue un rôle crucial dans la prévention de l’érosion de deux manières distinctes : premièrement, en agissant comme une barrière physique active qui prévient l’initiation de l’érosion; et deuxièmement, en agissant comme un piège passif qui retient les sédiments érodés en amont du versant.
Ils ont observé que la densité du couvert végétal diminue progressivement avec l’augmentation du nombre d’animaux par hectare par an, passant de 33 % à des niveaux de 30 %, 28 %, 25 %, 21 % puis 19 % pour des charges animales respectives de 1, 2, 4, 8 et 12 brebis par hectare par an. De plus, les animaux exercent une pression répétée qui tasse le sol, réduisant ainsi son taux d’infiltration en surface et augmentant ainsi le risque de ruissellement et de ravinement (Sabir et al., 1996).
Face à ce défi, les agriculteurs d’Oueltana amont ont adopté des techniques traditionnelles transmises de génération en génération. Selon Tribak et ses collaborateurs (2004), certains aménagements traditionnels déployés par les paysans démontrent une remarquable adaptation aux conditions environnementales locales, jouant ainsi un rôle crucial dans la gestion conservatoire des sols et des ressources en eau. Ces techniques ont été développées dans le but d’élargir les surfaces cultivables et de freiner les processus de dégradation.
Pour atténuer l’impact du ruissellement et réduire la longueur des pentes, les agriculteurs ont mis en place des terrasses et des talus. Ces structures ont la capacité de retenir des quantités significatives d’eau et de sédiments, agissant ainsi comme des dispositifs efficaces de conservation des sols.
Pour cultiver l’orge et le blé, essentiels à l’alimentation des habitants d’Oueltana amont ainsi qu’à leurs troupeaux, sur des terrains montagneux très abrupts, les agriculteurs ont entrepris une véritable transformation du paysage. Ils ont façonné la montagne en créant de petites terrasses et en plantant des arbres fruitiers tels que les amandiers et les oliviers. Ces aménagements visent à retenir le sol, ce qui aide à prévenir l’érosion, tout en favorisant l’infiltration de l’eau et en réduisant le ruissellement.
Les terrasses de type « Bour » sont particulièrement répandues dans cette région d’étude. Leur soutènement peut prendre deux formes principales : d’une part, des terrasses construites avec une armature solide en pierres, représentant la majorité des structures observées; d’autre part, des terrasses à talus «nus» ou légèrement recouverts d’herbe, moins consolidées, que l’on trouve principalement sur les versants moins pentus. Cette différence de forme est principalement due à des variations dans l’inclinaison des terrains soutenus.
Les terrasses construites le long du lit de l’oued Ghezaf dans les douars voisins se distinguent par leur technique de soutènement exclusive à base de pierre sèche, sans recours à des matériaux de ciment. Les agriculteurs utilisent les pierres caillouteuses abondantes des versants pour construire ces structures essentielles. Cette méthode exige un savoir-faire précis pour assurer la stabilité des murs face à divers dangers tels que la pression du sol, l’érosion, l’eau et les animaux.
En plus des terrasses, les agriculteurs emploient diverses techniques mécaniques et biologiques pour une gestion améliorée des ressources et pour limiter les effets de l’érosion. Ils traitent les ravins en installant des seuils en pierres et en utilisant des espèces végétales qui réduisent l’érosion et valorisent les zones dégradées. Les haies vives, composées d’espèces épineuses ou d’agaves alignés, jouent un rôle crucial dans la lutte contre l’érosion, tout en servant de clôture pour délimiter les parcelles, protéger les vergers et produire des fruits et du bois.
Photo 1. Exemple typique de terrasses « bour »dont On peut constater des murets, qui s’allongent presque de façon continue, et leur longueur peut avoisiner les centaines de mètres. Source: cliché le 12/07/2019, El Bakkari, 2020.
Ces aménagements sont actuellement confrontés à une dégradation croissante en raison du coût élevé de leur entretien, de la pénurie d’eau due à la sécheresse et du déclin de l’activité agricole dans plusieurs régions de la zone. Toutefois, ces techniques de terrassement ont permis aux agriculteurs non seulement de préserver le sol essentiel pour toute activité agricole, mais aussi d’augmenter les surfaces cultivables limitées dans cette région montagneuse. De plus, elles facilitent une utilisation efficace et équitable de l’eau dans les zones cultivées, quelle que soit sa source. Les champs en terrasses sont ainsi indispensables pour permettre l’exploitation agricole sur ces pentes prononcées.
En matière d’aménagement, l’arboriculture ainsi que certaines opérations qui lui sont associées, constituent un moyen important de gestion conservatoire des sols (Tribak et al., 2004). Les surfaces implantées d’olivier et de noyer ont connu pendant les deux dernières décennies une extension importante. De même, sur les berges d’oued Ghezaf, les terrasses fluviatiles constituent un apport en sol riche, exploitable par l’agriculteur pour concrétiser ses activités agricoles (céréaliculture, arboriculture fruitière). Ces terrasses aménagées sur les formations alluviales sont généralement de petite taille et restent réservées essentiellement aux cultures maraichères, elles bénéficient d’un grand soin de la part des propriétaires du fait du rendement important qu’elles assurent (Tribak et al., 2013). Les agriculteurs accordent une attention particulière à la plantation de noyer dans ces rives. Cette dernière est généralement accompagnée par la mise en place de terrasses « irriguées ». Les agriculteurs aménagent des places dans les lits des affluents ou le long des canaux d’irrigation. Il n’existe aucune plantation régulière de noyer. Selon notre enquête de terrain, les agriculteurs de douars (Almssa, Tighmort, elhart, Ougougen, Ait wakrim, Ait ouchkrad et Tighli ) souffrent des torrents de mois juillet et Août provoqués par oued Noufad qui prend sa source de Jbel Rat et se jette dans la vallée de Ghezaf .
Les berges de l’oued Ghezaf sont soumises à une érosion significative, engendrée par trois situations distinctes identifiées dans la littérature scientifique. Premièrement, le sapement complet des berges concerne les portions verticales et dénudées, particulièrement dans les zones en rive concave, exposées aux crues hivernales et aux débits d’eau élevés (El Ghachi et al., 2005). Deuxièmement, le glissement des berges se divise en deux cas : les berges élevées, dépassant 2 m, sont sujettes au glissement des matériaux en raison de l’érosion à leur base et de la dynamique fluviale intense, tandis que les berges basses, inférieures à 1,5 m, peuvent également glisser sous l’effet combiné de l’érosion et du piétinement du bétail (El Ghachi et al., 2005). Troisièmement, la dégradation des berges affecte principalement celles de faible hauteur, moins de 1 m, conduisant souvent à des débordements lors des crues hivernales et à une dégradation progressive du profil de la berge vers un aspect convexe, marqué par l’affaissement des matériaux et la rupture du couvert végétal (El Ghachi et al., 2005).
Malgré les efforts déployés et les techniques traditionnelles adoptées pour contrer le sapement des berges, les agriculteurs de la région subissent chaque année des pertes d’arbres de noyer lors des crues de l’oued Ghezaf, ce qui impacte directement leurs revenus annuels. Les dommages causés par les inondations vont au-delà de la perte de végétation et de sol, pouvant entraîner des conséquences dévastatrices comme l’effondrement du pont reliant plusieurs douars de la commune de Sidi Boulkhalf en 2010, sans qu’aucun réaménagement ou programme de reconstruction n’ait été mis en œuvre depuis lors. Cette situation perturbe la connectivité entre les douars, surtout durant les périodes hivernales.
Il est impératif de reconnaître que les composantes fondamentales du système biophysique dans cette région sont l’eau, le sol et la végétation. La végétation joue un rôle central dans le maintien de l’équilibre de l’écosystème montagnard. Tout déséquilibre affectant cette composante induit inévitablement un déséquilibre systémique plus large, affectant la durabilité et la résilience de l’environnement local.
Pour surmonter ces défis, il est crucial d’identifier et de maîtriser les risques posés par les activités humaines et les aménagements dans les environnements fluviaux. Les études prospectives d’impact doivent être menées systématiquement pour évaluer les conséquences potentielles de toute intervention humaine dans ces milieux, avec pour objectif principal la préservation de la biodiversité et des équilibres environnementaux (Taous, 2013). Ces approches préventives permettent de mieux comprendre les interactions complexes entre les interventions anthropiques et les écosystèmes fluviaux, et de mettre en place des mesures adaptatives et durables pour préserver la santé et la résilience de ces environnements fragiles.
Planche de photographies 1. La surexploitation des ressources ligneuses pour la satisfaction de la demande en énergie traditionnelle constitue une forte menace pour les ressources forestières qui connaissent déjà un taux annuel d’accroissement faible. Ainsi la couverture végétale de nombreuses zones est chaque année transformée en bois et charbon de bois, laissant des terrains nus exposés à toute forme d’érosion. |
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Photo 2. La femme pourvoit la maison en combustible par prélèvement direct sur la végétation environnante, en ramassant le bois mort. Source: Cl, El Bakkari- le 05/10/2016à Douar Wazent dans la commune Ait Blal. |
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Photo 3. Au cour de la saison sèche, les femmes coupent les branches des arbres dont les feuilles et les brindilles servent de source alimentaire complémentaire pour le bétail. Source: Cl, El Bakkari - le 12/01/2015 à douar Tissninass (commune Tifni. |
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Photo 4. Défrichement d’une partie de la forêt de genévrier. Source: Cl, El Bakkari , le 03/12/2015) à douar Achaouikh dans la commune Ait Blal. |
En conclusion, cette étude a permis de documenter les changements significatifs dans la couverture végétale de la région d’Oueltana Amont sur une période de 32 ans, en utilisant des données satellitaires et des indices de végétation. Les résultats indiquent une expansion notable des zones de végétation, en grande partie attribuée aux variations climatiques et aux pratiques agricoles. Cette dynamique témoigne de l’adaptabilité de la végétation semi-aride aux conditions environnementales changeantes et souligne l’importance de surveiller ces changements pour une gestion efficace des ressources naturelles.
Pour aller de l’avant, il est crucial d’améliorer la méthodologie d’analyse des images satellitaires afin de mieux comprendre les processus sous-jacents à ces transformations. Des efforts supplémentaires doivent être déployés pour intégrer des modèles de télédétection avancés et des techniques de machine learning, permettant ainsi une analyse plus précise et détaillée des changements de végétation à différentes échelles spatiales et temporelles. Cela pourrait inclure l’utilisation de séries temporelles d’images à haute résolution spatiale pour capturer des variations intra-annuelles et des changements subtils dans la structure et la composition de la végétation.
En outre, il est recommandé d’approfondir les études sur l’impact des pratiques agricoles et des politiques de conservation sur la dynamique de la végétation dans les régions semi-arides. Les recherches futures pourraient explorer comment les stratégies de gestion des terres, telles que la régulation des pâturages et la promotion de l’agroforesterie, peuvent influencer positivement la résilience et la biodiversité des écosystèmes locaux. Une attention particulière devrait être accordée aux interactions complexes entre les facteurs biophysiques et socio-économiques, en tenant compte des besoins des populations locales et des impacts potentiels sur leur sécurité alimentaire et leur bien-être économique.
Enfin, pour garantir la durabilité des écosystèmes semi-arides face aux pressions croissantes liées au changement climatique et à l’expansion urbaine, il est essentiel de renforcer les politiques de conservation et de gestion des terres. Cela pourrait inclure la création de zones protégées, la promotion de pratiques agricoles durables et la sensibilisation des communautés locales à l’importance de la préservation des ressources naturelles. De telles initiatives devraient être soutenues par une collaboration étroite entre les décideurs politiques, les scientifiques et les acteurs locaux, afin d’assurer une gestion intégrée et holistique des paysages semi-arides pour les générations futures.
Cet article est le fruit exclusif de mon travail en tant qu’auteur unique, sans la participation d’autres co-auteurs. Aucun conflit d’intérêts n’a été identifié en lien avec la publication de cet article, et je m’engage à respecter toutes les responsabilités académiques et scientifiques qui s’y rapportent.
J’ai assumé intégralement les tâches de collecte de données, en effectuant les travaux de terrain et en exploitant divers documents, notamment les cartes, documents d’archives, images satellites, données chiffrées et bases de données statistiques. De plus, j’ai personnellement assuré l’élaboration des cartes et des bases de données, ainsi que l’interprétation et la vérification des résultats obtenus sur le terrain.
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