DOI: https://dx.doi.org/10.12795/rea.2023.i45.03

Formato de cita / Citation: El-Amrani, H. & Abdellatif, T. (2023). Remedial urban planning: an amplifying factor of natural risks in urban environments. The case of the Grand Nador Agglomeration, Morocco. Revista de Estudios Andaluces, (45), 50-70. https://dx.doi.org/10.12795/rea.2023.i45.03

Correspondencia autores: elamrani.hassan@enafes.ma (Hassan El-Amrani)

CC BY-NC-ND 4.0

L’Urbanisme de rattrapage: facteur amplificateur des risques naturels en milieux urbains. Cas de l’Agglomération du Grand Nador, Maroc

Remedial urban planning: an amplifying factor of natural risks in urban environments. The case of the Grand Nador Agglomeration, Morocco

Urbanismo reparador: factor amplificador de los riesgos naturales en entornos urbanos. El caso de la Aglomeración de Gran Nador, Marruecos

Hassan El-Amrani

elamrani.hassan@enafes.ma 0000-0003-4865-3265


Ecole Nationale d’Architecture de Fès. ENA de Fès: Route sidi Hrazem parc Fès shore. 30000 Fès, Maroc.

Tribak Abdellatif

abdellatif.tribak@usmba.ac.ma 0000-0002-1564-5886


University Sidi Mohamed Ben Abdellah-Fez. FLSH-Sais Fès: BP 59 Route Immouzer. 30000 Fès, Maroc.

INFO ARTÍCULO

RESUMEN

A reçu: 11-10-2022

Revu: 9-12-2022

Aceptté: 16-12-2022

Mots clés

Urbanisme

Risques naturels

Vulnérabilité

Territoire du Grand Nador

Le Territoire de l’agglomération du Grand Nador au Nord Est du Maroc vit à présent une profonde dynamique spatiale et territoriale (densification, concentration et accueil d’activités multiples). Proportionnellement à cette dynamique de taille, le processus de l’urbanisation éprouve des difficultés énormes. Sans se soucier de la présence des risques naturels, souvent dissimulés dans une approche d’un urbanisme dit de rattrapage, ce territoire a vu sa vulnérabilité augmentée. Plus il y a la crise d’urbanisation plus il y a le recours au dispositif du rattrapage, ainsi les dispositions du rattrapage ne font que complexer davantage la gestion urbaine, ces opérations ne reflètent pas encore l’intégration de ces quartiers dans le plan global. Pour saisir l’ensemble de ces rapports, une approche holistique a été déployée, où plusieurs démarches ont été adoptées: Alors, si la démarche historique était utile pour connaitre la naissance de cette urbanisation déraillée, les séances du travail et le questionnaire ont été très bénéfiques pour mesurer des paramètres territoriaux. Tandis que les excursions ont été une opportunité pour comparer les résultats obtenus avec la réalité.

KEYWORDS

ABSTRACT

Urban planning

Natural hazards

Vulnerability

Grand Nador territory

Grand Nador is characterised by a deep spatial and territorial dynamic linked to the economic, social and environmental changes of this territory. In proportion to this size dynamic, urbanization experiences enormous difficulties. Without worrying about the presence of natural risks, often concealed in a punctual and curative territorial management of a remedial urbanism, this territory has seen its vulnerability increased. The more there is the urbanization crisis, the more there is recourse to the catch-up mechanism, so the catch-up provisions only make urban management more complex, these operations do not yet reflect the integration of these districts into the overall plan. To grasp the relationship between this remedial urban planning and the acceleration of natural risks. A holistic approach was deployed, several approaches were adopted: So, if the historical approach was useful to know the birth of this derailed urbanization, the work sessions and the questionnaire were very beneficial to measure territorial parameters. While the excursions were an opportunity to compare the results obtained with reality.

Palabras clave

Resumen

Urbanismo

Riesgos naturales

Vulnerabilidad

Territorio de Nador

El territorio de la aglomeración de Grand Nador, situado en el nordeste de Marruecos, se caracteriza actualmente por una profunda dinámica de transformación espacial y territorial, vinculada a los cambios económicos, sociales y ambientales que experimenta. En proporción a la intensidad de esta dinámica, el proceso de urbanización evidencia enormes dificultades. Sin preocuparse por la presencia de riesgos naturales, muchas veces encubiertos en una gestión territorial puntual y curativa de un urbanismo reparador, este territorio está viendo incrementada su vulnerabilidad. Cuanto mayores son los problemas urbanísticos, más se recurre al mecanismo de recuperación, lo que conlleva que la propia gestión urbanística sea más compleja, teniendo en cuenta además que las actuaciones implementadas, aún no reflejan la integración de los distritos afectados en el plan general. El objetivo de esta investigación es, por tanto, comprender la relación entre este urbanismo reparador y la aceleración de los riesgos naturales. Para ello, metodológicamente, se utiliza un enfoque holístico y se han adoptado varios enfoques: el histórico, en tanto resulta útil para conocer el origen y desarrollo de los procesos de desarrollo urbano y actuaciones e impactos que se han ido generando; las sesiones de trabajo y el cuestionario, ya que resultan muy interesantes para para poder medir parámetros territoriales de interés; y, finalmente, las excursiones, debido a que resultaron una oportunidad interesante para comparar los resultados obtenidos con la realidad.

1. INTRODUCTION

Suite à une urbanisation acharnée sur les espaces agricoles et environnementaux remarquables, la dynamique d’artificialisation du sol dans le territoire du Grand Nador est démesurée, ce qui attise la vulnérabilité de cette région vis-à-vis des risques naturels. Ce milieu restreint et convoité d’enjeux est de plus en plus fragilisé par l’intervention exacerbée de l’Homme. Dans un contexte d’instabilités climatiques et morphologiques, plusieurs aléas naturels s’activent pour rappeler le caractère vulnérable de ce territoire. La récurrence de tels phénomènes a réactivé ces dernières années les risques hydromorphologiques (inondation, effondrement, coulées de boue, glissements superficiels…) après une longue période, au cours de laquelle ce territoire a été épargné.

La gestion urbaine telle qu’elle se pratique aujourd’hui dans ce territoire, dissimule, le caractère vulnérable des quartiers. Alors pour répondre à des pressions d’ordre social, pratique et politique, les responsables de l’urbanisme poursuivent une approche dite « d’urbanisme de rattrapage » qui est un ensemble d’actions et pratiques d’aménagements sur des espaces bâtis de manière anarchique ou réalisés en secteur ancien, marquées par des approches plus curatives que préventives et dominées par la gestion de l’immédiat et de l’urgence (Harroud, 2017) pour faire face aux déséquilibres territoriaux naissant d’une urbanisation déraillée. Dans ce sens, (Chaline, 1999) le voyait comme « urbanisme de la transformation » qui s’opposerait dans les dispositifs d’intervention à « l’urbanisme de création et d’extensions périphériques » qui est basé sur des dispositions préventives et stratégiques. (Stadnicki, 2009) parle dans ce cadre d’une opération urbaine localisée visant à mettre en place la volonté des services de l’urbanisme de la ville de reprendre le contrôle sur des segments territoriaux qui en gros ont suivi des procédures urbanistiques légères.

Dans ce processus de rattrapage, la production de l’espace urbain suit une trajectoire marquée par la succession des faits: construction d’abord, puis occupation et régularisation après (Rochefort, 2006). Dans une production pareille, la volonté des gestionnaires de l’agglomération de ressaisir ces segments territoriaux moyennant des opérations de restructuration urbaine (loi 12-90), accentue le visage d’une agglomération urbaine en crise (Stadnicki, 2009). En effet, le flou juridico technique de cette approche conduit à des lacunes et des erreurs urbanistiques qui s’ajoutent à celles du passé. Le manque d’une véritable réflexion stratégique en amont de ce processus dégage des dysfonctionnements profonds en matière de planification et de gouvernance de ces espaces. Les zones urbanisées jadis produites hors normes, ne reflètent aucune image d’intégration au sein de l’agglomération malgré leur dotation par les plans de restructuration, Au contrario, elles connaissent une vulnérabilité accrue vis-à-vis des risques naturels, une fragilité sociale alarmante et une carence en matière d’infrastructure. Alor encore une fois, l’urbanisme de rattrapage comme une opportunité pour pallier les faiblesses de ces quartiers, éprouve ses limites pour remettre en place les dispositifs urbanistiques susceptibles d’assoir une gestion visant l’intégration des zones en souffrance.

Cet article vise comme objectif de saisir le rapport entre l’urbanisme du rattrapage comme approche immédiate, curative du tissu urbain sous équipé au niveau du territoire du Grand Nador et l’accélération des risques naturels. Et ce, à travers l’analyse de plusieurs idées qui sont en mesure d’expliquer ce phénomène: nous commençons par une lecture historique de la naissance de l’urbanisation à ce niveau territorial, la mise en exergue des facteurs explicatifs de déraillement de cette urbanisation et la conjoncture de ce phénomène, puis après nous voulons nous arrêter sur l’approche d’urbanisme qui prévaut à l’heure actuelle, vers la fin nous nous penchons sur le phénomène de l’extension de l’urbanisation sur les zones à risques, en essayant de décortiquer ce phénomènes et les prédispositions qui le sous-tendent.

Cet objectif, sera menu, en suivant une approche holistique qui suppose de dépasser les visions technicistes dans ce domaine qui connait la confrontation du théorique au pratique. Pour aller intégrer ainsi toutes les dimensions de ce champ pluridisciplinaire. Qui connait l’intervention, de géographe, de l’urbaniste, de l’architecte et de sociologue, et surtout de plusieurs acteurs territoriaux dans le cas marocain. Cette variété demande une grande connaissance des interactions et centres d’influence dans ce domaine. Cette connaissance est indispensable pour bien saisir les outils à mettre en exergue afin de répondre à cette problématique.

2. ZONE D’ETUDE

La zone urbanisée du bassin de Marchica d’une superficie de plus de 6734 Ha, fait partie du Rif oriental au Nord-Est du Maroc (figure 1). Elle s’étend du nord au sud sur environ 170 km linéaires et de l’Est à l’Ouest sur environ 40 km linéaires.

Figure 1. Situation du territoire du Grand Nador. Source: El-Amrani & Tribak, 2018.

Elle occupe un territoire accidenté situé entre des formes montagneuses dessinant un arc qui encercle l’agglomération et des zones plates vers la mer. Les hauteurs varient de moins six mètres au niveau de la lagune à mille mètres au point le plus élevé (Jbel Ouiksane). Le contexte morphologique dégage une nette diversité paysagère: les plaines (Bouaarg & de Gareb) deux cuvettes soumise à une forte subsidence caractérisée par des formations quaternaires (Guillemin & Wernli, 1987), le strato-volcan de Gourougou situé au Nord et le massif de cap des trois fourches situe à l’extrémité Nord formé par un socle métamorphique d’âge paléozoïque (Guillemin & Houzay 1982). Le climat est connu par un fort contraste saisonnier avec des pluies brutales et concentrées dans le temps et l’espace. Le système hydrographique est constitué par des cours d’eau qui dévalent de la montagne sur un court parcours sans se ramifier, puis ils empruntent la plaine dans des chenaux indépendants pour aller se converger vers la lagune. Les densités humaines y sont importantes surtout autours de la lagune (376,95 hab. km2). Les versants totalement défrichés sont le siège de constructions surtout sous équipées, tandis que la plaine montre un grignotage urbain assez remarquable (figure 2) (El-Amrani, 2018).

Figure 2. Plan d’occupation du sol de la zone d’étude. Source: El-Amrani, 2019.

3. METHODOLOGIE

Pour entourer les multiples figures de ce sujet (figure 3), la méthodologie adoptée s’est axée sur plusieurs démarches en exploitant plusieurs sources d’informations et données relatives à la problématique de départ, afin de saisir les centres d’intérêt fluctueux dans ce domaine:

  1. L’analyse de la documentation historique relative aux documents d’urbanisme disponibles et les plans de redressement a eu pour objectif de s’arrêter sur la présence du concept risque naturel dans ces outils de planification, et de saisir la procédure de son intégration dans la pratique. Pour mener à bien cette mission, plus de trente documents d’urbanisme opérationnels (plan d’aménagement, plans de développement) (Agence Urbaine de Nador, 2017), deux schémas directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme et plus de cinquante plans de restructuration ont été étudiés, vérifiés (Agence Urbaine de Nador, 2017), et décortiqués dans le souci, d’un côté, de s’arrêter sur l’intégration du concept risque dans le contenu de ces documents (zoning du risque, légende, réglementation, servitudes non aedificandi…) de l’autre côté, saisir la procédure de l’intégration du risque, surtout durant les étapes relatives à l’élaboration de ces documents d’urbanisme, notre objectif a été de relever la nature de relation entre les administrations, chargée de l’élaboration des documents de planification et les instances chargés d’élaborer les études de spatialisation des risques naturels (inondations, glissement du terrain, effondrement et autres…) (El-Amrani, 2018).
  2. L’élaboration d’un inventaire des aléas naturels à travers les travaux déjà existants (Tribak & El-Amrani, 2018), à la fois les rapports de missions (Ministère de l’Aménagement du territoire national de l’urbanisme de l’habitat et de la politique de la ville 2020), les œuvres scientifiques et universitaires (Louaya & Hamoumi, 2010), puis d’en dresser une base de données relative au risques vécus. Cette mission a été menue en étroite relation avec les Administration et collectivités territoriales. Notre attention était de constituer une idée sur les pratiques territoriales de l’acteur officiel dans ce domaine des risques, (programmes, actions prévues ou en cours, organisation, relations, interaction de missions d’intervention…). Puis nous voulions confronter cela avec les prospections de terrains que nous avions effectués.
  3. L’élaboration des guides de travail (questions préétablies semi directionnelles) destinés aux services techniques, administratifs et communaux qui interviennent sur les risques naturels, notamment: 08 services décentralisés et 17 collectivités territoriales. L’objectif visé était de saisir la perception des acteurs locaux vis-à-vis de la gestion des risques en milieu urbain. Ce travail s’est fait sous forme des séances de travail selon un calendrier établi pour cette raison, étant donné que les responsables de l’Administration et collectivités territoriales manquent du temps pour nous renseigner les questionnaires. En général, sur trois mois, plusieurs visites ont été effectuées auprès de ces Administrations.
  4. L’élaboration d’un questionnaire composé de 26 questions destiné à un échantillon de 200 personnes représentatif de 10000 habitants adultes des quartiers concernés par ce travail, l’objectif étant de flexibiliser la collecte de l’information ciblée afin de caractériser la connaissance locale du risque. Le tableau 1 récapitule les caractéristiques de cet échantillon.
  5. Plusieurs campagnes d’inspection de terrain ont été menées, dans le souci de confronter les données obtenues auprès des administrations et des citoyens avec la réalité du terrain. Ces campagnes d’observation ont été ciblées spatialement et thématiquement, en effet, ces sorties ont été organisées à chaque moment pour des raisons de certitude ou au contrario pour nier un jugement préétabli.

Figure 3. Méthode et outils du travail. Source: Élaboration personnelle.

4. RESULTATS ET DISCUSSION

4.1. Urbanisme conjoncturel une approche qui prevaut a nador

L’urbanisme selon (Jacquignon, 1979) constitue un ensemble de mesures techniques, juridiques, sociales et environnementales, qui doivent encadrer une certaine croissance intègre, rationnelle, et humaine des agglomérations urbaines. Ceci est possible quand la politique urbanistique obéie à certaines normes technico-juridiques prédéfinies. Néanmoins, ceci devient un exercice assez difficile quand les mécanismes de la planification territoriale ne sont pas prédéfinis. Les services en charges de l’urbanisme au niveau du territoire étudié fonctionnent sous plusieurs pressions d’ordres politiques, sociales et économiques voire coutumières. Il y a une nette divergence entre les intervenants quant à l’approche urbanistique territoriale. Pour les uns et les autres et selon la conjecture, l’urbanisme tantôt se vaut une organisation spatiale tantôt il n’est qu’une opération de redressement et de régularisation d’un état urbain existant, visant à légitimiser ce qui a été réalisé autrefois hors normes et lois en vigueur.

Tableau 1. Caractéristiques de l’échantillon de la population interviewée.

Facteur âge de la population

15-25 ans

26-40 ans

41-60 ans

+60 ans

35%

39%

20%

6%

Facteur sexe de la population

Femmes

23%

Hommes

77%

Facteur niveau d’instruction de la population

Niveau scolaire

Pourcentage%

Niveau d’études, primaire, collège

46%

Niveau secondaire, ou baccalauréat

13%

Qualification professionnelle

08%

Diplôme universitaire

06%

Ne jamais aller à l’école

06%

Facteur profession de la population

Etudiant

34%

Sans travail/à la recherche d’un emploi

6%

Retraité

5%

Femme au foyer

3%

Agriculteur

1%

Commerçant

8%

Artisan, travailleur indépendant

8%

Employé

18%

Professeur

6%

Profession libérale

1%

Fonctionnaire

13%

Entrepreneur

2%

Source: Élaboration personnelle.

Le rythme accéléré de l’urbanisation au niveau du grand Nador limite la planification en une simple opération curative, correctionnelle du tissu urbain existant autrefois érigé hors norme. Ce dispositif dit du rattrapage dissimule certes les déséquilibres territoriaux, en favorisant davantage les décalages entre les composantes de la même entité territoriale. En fixant comme objectif essentiel, la gestion de l’immédiat et de l’urgence, les risques naturels et la fragilité territoriale des quartiers sous équipés ne s’affichent pas encore comme priorité pour les chargés de redressement urbanistique dans le cadre de dispositif, or, l’urbanisme rationnel catalyseur de la durable stipule des opérations perspectives en matière d’organisation et de planification future des villes et des agglomérations. Au niveau de ce territoire, le retard dans l’intervention n’a fait qu’amplifier davantage la fragilité de cette région en pleine mutation spatiale.

En pratique, pendant de nombreuses années, l’intervention dans les quartiers à restructurer s’est focalisée sur le site lui-même à une échelle de dizaines d’hectares, voire moins, les secteurs bâtis concernés se sont fortifiés des effets des risques en édifiant des protections ou en remblayant les terrains, le cas des inondations, sans se préoccuper toujours des conséquences en amont et en aval du site urbain. L’aménagement urbain de ces espaces non structurés s’appuie sur des opérations urbanistiques (plans de restructuration ou redressement) qui demeurent des pratiques techniquement peu maitrisées et juridiquement soulèvent des questionnements. Bref, ces opérations affichent des objectifs assez importants (amélioration de la qualité de vie de la population locale, intégration urbaine de ces quartiers dans le tissu général, régularisation de la situation urbaine des constructions…), néanmoins, elles restent des pratiques rituelles superficielles qui à penne s’intéressent à l’accessibilité, l’immatriculation de la voirie existante, projection de quelques équipements de base, tels que, un centre de santé, un foyer féminin, une mosquée…) sans donner une importance à la vulnérabilité de ces quartiers vis-à-vis des risques naturels.

4.2. Urbanisme correctionnel amplificateur des risques naturels

En se propageant dans tous les sens et suivant plusieurs logiques, notre zone d’étude éprouve une urbanisation accélérée, spectaculaire et exacerbée (El-Amrani, 2018). Ce phénomène a généré un tissu urbain fractionné et al.ambiqué où toutes les formes de l’habitat non commode y sont identifiées. Des quartiers sous équipés ont été érigés sans se soucier de la nécessité d’une infrastructure de base, de coût de l’urbanisation ou de difficultés de la gestion urbaine, tels sont les cas des quartiers (Igounaf & Tirkaa) qui ont vu le jour depuis la fin des années 1980 (photos 1 et 2).

Photo 1. Zone d’effondrement potentiel des cavités, quartier non réglementaire d’Igounaf ville de Nador. Source : El-Amrani, 2017.

Photo 2. Extension du quartier Tirakaa sur le domaine forestier. Source: Elkadaoui, 2014.

Cette urbanisation conjecturelle, complexe, alarmiste et perpétuelle met les acteurs locaux chargés de l’urbanisme devant le fait accompli. Il s’agit d’une problématique socio-spatiale avec des effets multiples, dont l’intervention pour gérer un tel déséquilibre est conditionnée par la compréhension de plusieurs mécanismes, sociaux, politiques, pratiques, spatiaux et fonciers.

A signaler que ces mécanismes à plusieurs reprises entravent les orientations urbanistiques entreprises par les acteurs de l’urbanisme, où les dispositions des documents d’urbanisme sont souvent mises à l’écart: Les acteurs locaux dépassés par le phénomène insaisissable de cette urbanisation, ils continuent d’opter une approche urbaine curative beaucoup plus flexible afin de pallier les déséquilibres territoriaux. Ce genre de flexibilité tolère les lacunes du passé et se force uniquement de corriger localement à l’instant même moyennant des plans de redressement. Cet urbanisme correctionnel se manifeste par une morphologie urbaine aléatoire, amorphe, avec des extensions non maitrisées et tentaculaires. Dépassés par le phénomène, les responsables de l’urbanisme, ne se penchent pas lors de la restructuration, à étudier les sites hotspots dans leur ensemble (contraintes naturelles, potentiel urbain, spatial, humain…). Après l’homologation locale de leurs plans et l’exécution de leurs dispositions, ceux-ci n’offrent pas des conditions de vie de qualité. Ainsi, ils ne renforcent pas la présence de ces zones dans l’agglomération. D’abord, par ce qu’ils n’osent pas le changement spatial, bien au contraire ils retracent la réalité complexe du tissu urbain jadis fragile. Ensuite, ils sont difficiles à intégrer dans le Master plan en place.

Également, l’urbanisme réglementaire stéréotypique mis en place dans la région entre les années 1970 et 2000, n’a pas allé chercher les fondements d’aménagement dans la particularité du territoire et la conception est venu toujours en décalage par rapport à la réalité. Ainsi, après la mise en œuvre des dispositions urbanistiques arrêtées par une certaine génération de documents d’urbanisme, plusieurs obstacles ont surgi sur le plan pratique. Comme résultat direct d’une telle situation de blocage, les dispositions opposables de ces documents n’ont pas été respectés ni par l’administration ni par les communes. Donc, une fois encore, une occasion s’est écoulée sans redonner un nouveau souffle à ce territoire. Les outils de planification sur lequel on comptait pour répondre à un tel problème, ils deviennent vite dépassés et sans effets sur le terrain. Ce constat est confirmé par l’étude faite par le ministère de l’urbanisme en 2008, qui a concerné les deux Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme de Nador et Oujda, et qui a révélé que leurs projections spatiales sont venues excessives entraînant des extensions spatiales démesurées et un nombre d’équipements élevé. Ainsi que leur mise en œuvre est restée vaine par rapport aux prévisions. Durant cette époque, l’urbanisation spontanée s’est propagée sans arrêt dans des zones non prévues par ces derniers. Ce phénomène a fait que les deux Master Plans sont considérés désuets et sans conséquences sur le terrain.

4.3. Une urbanisation initiale deraillee

L’urbanisation brutale, dérisoire et déraillée dans le territoire remarquable du Grand Nador, remonte à la période coloniale depuis 1909. Le premier noyau moderne de cet espace mis en place à cette époque a été concrétisé par des installations soldatesques espagnoles (caserne militaire) pour des raisons stratégiques et guerrières (photo 3).

Photo 3. Les campements militaires en 1911 au niveau de Nador. Source: Archive central de Mellila ACML, 1911.

Le véritable peuplement civil n’a eu lieu qu’entre 1920 et 1940 grâce au projet du plan « de l’ingénieur militaire Luis Andrade » et l’arrivée de plusieurs familles espagnoles encouragées par la stabilité du milieu (Bravo, 2005). Ainsi, Il n’est pas surprenant que durant cette période la population passera de 4 699 habitants en 1935 à 8 826 en 1940. A vrai dire, la première moitié de cette période a été très mouvementée car il ne s’agissait pas d’une installation de longue durée. La ville va connaitre la première crise urbaine en 1921, date qui coïncide avec la soi-disant catastrophe annuelle, moment pendant lequel une partie de la ville a été détruite à la suite de la guerre. Nador a été abandonnée et la population espagnole a dû fuir dans son intégralité, mais en très peu de temps son retour eut lieu car en 1923, il y avait déjà 1 467 personnes d’origine européenne réinstallées (Bravo, 2005). Avec l’implantation définitive durant la deuxième moitié de toutes les Administrations et d’une certaine activité économique, un phénomène d’attraction urbaine de Nador s’exercera sur la population rurale de toute la région. Ce phénomène d›émigration s›est accru avec la terrible sécheresse de début des années 1940, date à laquelle la population marocaine de Nador commence à dépasser largement celle d’origine espagnole. Durant ces années, ce processus d’urbanisation du site naturel remarquable de l’agglomération se poursuivra, suite au renforcement et à la diversification des activités économiques, à l’amélioration du cadre de vie, et au choix de la ville de Nador comme le centre de la région. A partir de ce moment le plan mis par «Luis Andrade» va être beaucoup dépassé. La construction s’accélère et sature complètement la zone dotée du plan. A partir de ce moment les bâtisseurs sont irréversiblement condamnés à remplacer des bâtiments ou de les construire en dehors de cette zone en l’absence d’une vision claire où orienter l’urbanisation. Après plusieurs initiatives pour alléger la saturation de la zone dotée par le plan en proposant des actions urbanistiques et architecturales à l’intérieur de la zone initiée par (Pedro Guarro Mélida, Manuel Latorre Pastor, Francisco Hernanz). L’augmentation de la population nécessiterait de nouvelles zones d’agrandissement et l’élaboration logique d’un nouveau plan d’urbanisme. A cette époque la première tentative guidée par Pedro Muguruza Otaño a été faite pour promouvoir un modèle de croissance en dehors du damier, ce qui à ce moment-là pourrait donner signes de saturation. (Bravo, 2005).

Depuis la mise en place du plan «d’Eduardo Caballero» (figure 4), l’espace du Grand Nador tombe dans un chaos urbain visible, durant les années qui suivirent l’indépendance du Maroc 1958. La ville de Nador, la principale entité urbaine se développa sans ordre, lorsque le damier espagnol et les quartiers extérieurs s’éparpillèrent vers le sud, la zone parfaite pour une extension urbaine rationnelle. Dans son étude pour savoir les raisons de ce chaos urbain, Eduardo Caballero cite le phénomène d’auto-construction à la différence des autres villes marocaines dont la construction a été l’initiative de l’Etat.

Figure 4. Evolution du tissu urbain de Nador, réalisée par Eduardo Caballero dans son projet d'urbanisation de la ville de Nador (1958). Source: Antonio Bravo Nieto, 2005.

Cette fureur d’urbanisation continuera durant les années 1960 à nos jours, suite à l’accélération de toutes les dynamiques et en raison des capitaux accumulés de la période de prospérité du commerce de la contre bande avec l’emprise de Melilla (Naji, 2014). Ces avoirs furent investis dans l’achat des terrains non viabilisés et leur revente plus tard, phénomène qui s’est accompagné d’une arrivée massive de la population rurale attirée par les possibilités d’emploi. D’où une forte croissance démographique et une extension démesurée d’urbanisation qui a eu comme résultat, la construction des zones sensibles et fragiles, en l’occurrence, les versants du mont Gourgou, la plaine fertile de Bouaarg et le défrichement de la forêt avoisinante. Ceci a favorisé, une agglomération urbaine, avec des rythmes variables de développement, caractérisée d’autant plus par une segmentation accentuée de son tissu social (photo 4).

Photo 4. L’urbanisation démesurée au niveau Grand Nador, vue du mont Gourougou sur la conurbation Nador-Zeghanghane. Source: El-Amrani, 2017.

La lecture de la documentation révèle que l’urbanisation du site du Grand Nador est le résultat de plusieurs logiques urbaines mises en exergue pour répondre aux circonstances de courts termes. Le territoire a manqué de la vision globale pour sa cohérence spatial: Dès la première installation urbaine en 1900, les raisons en ont été plutôt stratégiques-militaires. Un peu plus tard, durant les années 1940-1950 des plans d’urbanisme sécuritaires ont été mis en place, avec des limites entre la zone espagnole à l’intérieur et la zone marocaine à l’extérieur des lignes limites. Arrivant aux années 1960, le plan d’urbanisme élaboré pour accompagner la croissance urbaine n’a pas pu aboutir, pour des raisons purement politico-conjecturelles, une grande divergence de visions entre les acteurs locaux et l’administration centrale. La croissance de l’agglomération continua d’évoluer dans un véritable chaos urbain visible. Vers la fin des années 1980, l’agglomération s’est développé sans ordre; les autorités en place n’affichaient pas de vision claire ou étaler les villes et les plans d’urbanisme élaborés manquaient de réalisme. Aujourd’hui, en dépit de l’homologation de la nouvelle génération des documents d’urbanisme, la vision de la future agglomération n’est toujours pas claire. Plusieurs documents récemment homologués sont déjà désuets et sans effets suite à la prolifération des constructions clandestines, beaucoup plus aux moments du recul de l’état, tel était le cas pendant les événements de 2011.

4.4. L’extension urbaine vers les zones a risque: est-elle un determinisme territorial?

L’urbanisation peu planifiée du tissu urbain de l’agglomération du Grand Nador est à l’origine d’un déséquilibre territorial. Dans ce contexte si difficile, les risques naturels constituent un fardeau pour les acteurs territoriaux, notamment dans les quartiers sous équipés. La récurrence exceptionnelle des risques dans ces espaces trouve sa justification dans plusieurs raisons d’ordre culturel et pratique. Selon, le propos de (Veyret, 2005): « la connaissance du risque impose, outre la connaissance de l’aléa, une réflexion sur les formes d’organisation spatiale des sociétés et les modalités d’aménagement des territoires ». Cela signifie qu’il y ait toujours un type de risques lié directement à des aléas spécifiques à la ville, autrement dit une forme socio-spatiale spécifique dans la ville qui peut créer cet aléa. Dans ce sens, (Chaline,1994), « considère que la vulnérabilité est d’autant plus exacerbée dans une centralité urbaine, où la société est déjà fragmentée et que divers dysfonctionnements y sont démesurés ». Au niveau de la zone d’étude, l’expertise montre que nombreux sont les motifs, techniques, juridiques et urbanistiques qui expliquent la répartition des risques entre les quartiers au niveau du territoire du Grand Nador.

4.4.1. L’exposition aux risques: une connaissance limitee

Établir une véritable culture du risque dans les territoires exposés aux aléas naturels est une nécessité absolue (November, 2002). Aucune politique préventive contre ces fléaux ne sera possible ni réellement efficace, si les populations ne perçoivent pas leur réalité. Les gestionnaires des risques doivent se mobiliser, au-delà de la panoplie d’outils réglementaires à leur disposition, pour trouver des nouveaux instruments de communication et de sensibilisation. Au niveau de la zone d’étude, les résultats des enquêtes effectuées avec la population en 2016 révèlent, une connaissance limitée quant aux risques naturels. Les occupants des zones fragiles prétendent qu’ils n’ont pas été informés quant à l’exposition de la zone de leur résidence. Tandis que les gestionnaires considèrent la réalité des risques dans ces zones est évidente: toute personne qui a l’attention de y construit est avertie lors de la demande du permis de construction. La raison pour laquelle plusieurs demandes de construction sont rejetées par la commission provinciale d’instruction. Aujourd’hui, tous les dossiers de construction sont soumis obligatoirement à l’avis des administrations compétentes en la matière. Pour une éventuelle réponse visant d’éclaircir ce constat, des questions nous taraudent quant aux raisons qui sont en mesure d’expliquer pourquoi l’information n’arrive pas au temps opportun à cette population?

4.4.2. Bases de donnees administrative peu developpes au sujet des risques

Les outils informatiques ont prouvé leur importance dans la gestion territoriale, les SIG et les base de données relationnelles spatiales sont actuellement en plein développement. Plusieurs projets de dématérialisation des documents sont en cours pour flexibiliser l’intervention et pour hisser la connaissance territoriale. Nos travaux de terrain, nous ont permis de constater que la connaissance dévouée au sujet des risques naturels est peu palpable au niveau de l’aire d’étude. En pratique, les données qui portent sur les risques naturels sont éparpillées dans les tiroirs de plusieurs départements et plusieurs rapports spécialisés ont disparu suite au manque d’archivage. Également, les quelques initiatives d’implémentation des bases de données à ce sujet des risques naturels sont maigres et pauvres en informations, tandis que les moyens de communication sont quasiment absents. Les raisons de cette situation sont multiples: Elles sont d’abord liées au mode de la gouvernance territoriale en matière de la gestion des risques; à l’absence d’une loi spécifique à ce sujet qui suscite plusieurs réticences et chevauchement d’intervention. Par ailleurs, l’absence d’une instance chargée au niveau national, régional ou local de cette problématique a beaucoup impacté le processus du retour d’expériences.

4.4.3. Des oublies commises dans les documents d’urbanisme

L’élaboration des documents d’urbanisme, en l’occurrence, les Plans d’Aménagement, suit une procédure juridique bien définie dans la circulaire 005 de 1994 qui encadre les étapes d’instruction, d’approbation et de réalisation (Recueil des circulaires de l’Agence Urbaine de Taza). Cette circulaire invite chaque administration sur le territoire sujette au projet du plan d’aménagement à soumettre son plan d’action et ses éventuelles études spécifiques au département chargé de l’urbanisme (Agence Urbaine). L’objectif est d’intégrer ces études dans les orientations du projet en cours. Lorsque, il s’agit d’intégrer les risques naturels dans le plan en cours d’élaboration, il devrait y avoir un service compétent sur le territoire, or il en manque aujourd‘hui: comme exemple, l’immatriculation des tracés relatifs aux temps de retour des crues (centennales, cinquantennales et décennales) est aujourd’hui l’affaire des Agences des Bassins hydrauliques conformément à la loi 36-15. Leurs études sont considérées comme les seules références officielles en la matière. Néanmoins, l’absence de ces études au moment opportun, faute de coordination entre les administrations, fait rater une grande occasion d’officialiser les résultats dégagés de ces études. En pratique, pour pallier ce vide, l’Agence Urbaine lors d’élaborer du projet de document d’urbanisme définit la zone de servitude de l’oued (comme zone non aedificandi ZNA) en tenant compte seulement le tracé de l’oued qui figure réellement sur le plan de restitution qui est utilisé comme base du projet de plan en cours. Mais cette emprise qui interdit la construction dans les lieux inondables vient toujours sous-estimée et largement inférieure à la réalité. L’exemple de l’ancien plan d’aménagement de la ville de Nador de 2002 illustre bien ce problème (figure 5). La zone non aedificandi immatriculée sur ce document a été réduite à son maximum en se limitant au lit mineur de l’Oued Bousrdoun (Caballo) qui traverse l’agglomération urbaine. Comme effets de cette situation, durant plusieurs années, les investisseurs, les entreprises, ainsi que l’administration étatique, faute de l’information ont établi plusieurs projets dans ces zones menacées, qui sont aujourd’hui inondables dans la version actualisée du Plan d’Aménagement de 2017 (figure 6).

Figure 5. La limite de la zone inondable dessinée au niveau du document d’urbanisme de 2002 réduite à son maximum (le lit mineur). Source: El-Amrani & Tribak, 2018.

Figure 6. La limite de la zone inondable revue en 2017 dans le nouveau plan d’aménagement suite à l’étude de l’agence du bassin hydraulique de la Moulouya. Source: El-Amrani & Tribak, 2018.

4.4.4. Choix du site d’implantation, une attention insuffisante

Le nouveau règlement de construction (Décret n° 2-13-424 du 13 rejeb 1434/24 mai 2013) exige la présentation d’une note de renseignements urbanistiques attribuée par les services de l’Agence Urbaine avant l’instruction de quelconque dossier de construction. Ce document administratif renseigne l’affectation urbanistique de la zone concernée par le projet, ainsi que toute servitude grevant le foncier en question. Au niveau de notre zone d’étude, le recours à ce moyen de communication est faible, généralement, entre 250 à 300 notes demandées par an (Conseil d’administration de l’Agence Urbaine de 2018). Même après la modification du règlement de construction, elle demeure toujours un outil important pour éclaircir la situation du foncier dans son circuit économique (achat, vente, location, actions bancaires…). Le manque de cette pièce administrative au moment des opérations foncières génère plusieurs cas de fraudes et de falsification de la réalité urbanistique: des personnes achètent des terrains à bas prix « Occasion d’or » selon eux mais au final, ces terrains se situent dans des zones non aedificandi grevées par la servitude de l’oued. En effet, entre 1980 et 2016, plus de 800 hectares de zones inondables ont été urbanisés, à la fois d’une manière réglementaire et non réglementaire, avec environs 1500 personnes supplémentaires. Les zones d’expansion des crues continuent d’être urbanisés et accueillent toujours des activités. Elles connaissent actuellement le phénomène de transformation. On assiste, ainsi, à l’émergence d’habitat individuel, lotissements, équipements…comme le montre la figue 7, extrait du plan d’Aménagement de la conurbation de Nador Zerghanghane homologué en 2017.

Figure 7. Lotissements jadis autorisés dans le quartier aviation délimité dans la nouvelle version du Plan d’Aménagement de 2017 comme une zone inondable ouverte à l’urbanisation avec des restrictions. Source: El-Amrani & Tribak, 2018.

4.4.5. Une population desirant s’installer a proximite du centre-ville

Durant les années 1980, le territoire du Grand Nador a connu une croissance démographique importante résultant d’une part d’un exode rural massif. Et d’autre part, d’une attractivité territoriale naissante du développement des activités économiques formelles (zone industrielle à Selouane, grands chantiers du bâtiment…) et des activités informelles, surtout le commerce de (la contre bande) avec la ville de Melilla. Depuis ce temps, le territoire va connaitre une urbanisation accélérée sans cesse, en attirant une population de plus en plus nombreuse. Ainsi, cette dynamique va créer une forte demande pour les terrains constructibles, ce qui va générer une hausse flagrante du prix du foncier (augmentation de plus de 60 % entre l’année 2000 et 2016) (EL-Amrani, 2018). Toutefois, ce prix demeure variable, selon les quartiers et suivant la distance par rapport à la centralité urbaine. Expliquée par une telle fluctuation du prix du foncier, l’installation de plusieurs nouveaux arrivants à ce territoire s’est effectuée dans des zones de faible valeur foncière certes, mais les plus exposées aux risques. A cette époque, plusieurs zones surgissaient à proximité des principales centralités urbaines, l’exemple de (Jaadar, Fid, Tirekaa, Oulad Boutaieb…) qui attirent la convoitise de nombreux demandeurs des terrains moins chers pour la construction. Ce qui va être accompagner par le déclenchement de plusieurs opérations de morcellement illégales (figure 8) loin du contrôle de l’état, favorisant la prolifération des lotissements clandestins.

Figure 8. Zones inondables au niveau de l’agglomération de Nador. Source: El-Amrani & Tribak, 2018.

4.4.6. Attachement au lieu de residence comme enfermement territorial

Actuellement, les menaces des risques d’inondations sont quasiment identifiées dans les études de l’ABH qui portent sur les quartiers juxtaposant l’Oued Caballo et ses affluents. Malgré cette réalité apparente, codifiée dans la nouvelle version du Plan d’Aménagement de 2017, la population garde un comportement d’attachement et d’ancrage territorial assez complexe avec ces quartiers fragiles. Cet attachement est justifié par les liens solides de la population avec ces lieux, surtout par l’envi d’être à la proximité des proches, ainsi que la négligence du concept risque dans la composition psychosociale (photo 5).

Photo 5. Des portes de maisons protégées avec des murettes en briques pour éviter l’inondation de l’intérieur, localisées au niveau du quartiers Elfid ville de Nador. Source: Auteurs.

Certes, ce sentiment d’appartenance et d’attachement est aperçu, d’ailleurs, dans toutes les cultures comme quelque chose de positif, voire un levier du développement. Néanmoins, dans ces zones à risque, il devient un facteur qui peut aggraver la vulnérabilité en général, dans plusieurs reprises, entrave les stratégies d’intervention. (Gallez,2001) qualifie un tel comportement du processus d’enfermement territorial, où elle considère que la question d’attachement renvoie à la façon dont les individus perçoivent et pratiquent les lieux. « L’attachement au local est souvent associé à des processus d’enfermement territoriaux dans des quartiers défavorisés ». Dans un contexte similaire à celui de la Province de Nador, où une grande majorité des habitants ont tendance à un tel comportement, il s’avère, très judicieux, de se demander sur le genre de la politique participative à mettre en place afin d’orienter l’urbanisme. Ainsi que, plusieurs questions se posent quant au sort des lotissements destinés, surtout, aux opérations de recasement, dans un temps, où les habitants originaires des quartiers menacés ne sont pas prêts à les quitter.

5. CONCLUSION

A l’instar du besoin national annuel d’une assiette foncière de l’ordre de 5900 ha, l’urbanisation au niveau du territoire du Grand Nador exige actuellement envers 100 à 150 ha en général. Ce phénomène se développe davantage avec un rythme accéléré et exacerbé dans le territoire de l’agglomération et particulièrement dans les zones de marges, attractives d’une large catégorie sociale défavorisée. Ce phénomène est similaire à d’autres agglomérations du Maroc. L’exemple de Fès est bien démonstratif; pendant les années 1990, 63% des familles issues de l’exode se sont installées dans les zones périphériques contre 26% dans le tissu ancien de la médina et 11% dans des poches de bidonvilles éparpillées autour du périmètre urbain (Fejjal, 1995). En comparaison avec la région de Fès où le manque flagrant de ressource en eau qui a été à l’origine d’un dénouement des liens existant entre le Rif et ses occupants qui vont rejoindre la ville de Fès (Tribak, 2019), dans la zone de Nador nous constatons que la contre bande a été le facteur principal d’attraction de plusieurs migrants ayant intégré la ville depuis les années 1980. Le retard dans la mise en place des dispositifs urbains de proximité va amplifier davantage l’installation dans les zones vulnérables et porteuses de risque, tels les quartiers: Tirkaa, Elfid, Oulad Boutaib et Joutia. Durant ces dernières décennies, une panoplie d’outils d’intervention opérationnels sont mise en place pour rationaliser l’étalement urbain et limiter ses effets. Mais, l’état des lieux montre que la réalité est autre et que les décideurs dans le territoire sont loin d’atteindre leur objectif dans un contexte où les dynamiques spatiales dépassent de loin les échéanciers d’élaboration des schémas et des études. Cette situation nous interpelle sur l’approche de l’urbanisme préconisée dans ce territoire sur ses effets, ses impacts et ses limites. Alors après une longue haleine pour pallier à cette urbanisation déraillé de puis sa naissance, en basculant d’une logique d’intervention à l’autre et d’une politique urbaine à l’autre, aujourd’hui il semble que le territoire n’est pas encore sorti de cette logique de court terme, de ce qu’on appelle, le curatif. A petite échelle, les opérations de rattrapage peuvent apparaitre avec un effet positif, néanmoins leur évaluation doit être faite à une échelle plutôt globale et sur le long terme. Dans un temps où plusieurs opérations de restructuration urbaines voient le jour, la fragilité vis-à-vis des risques naturels augmente. Cette situation trouve ses explications dans plusieurs mécanismes territoriaux propres à cette zone d’étude, mais qui peuvent être similaires à d’autres territoires méditerranéens:

L’analyse de l’approche de l’urbanisme dans ce territoire s’est avéré une approche curative, courtermiste, et limitée dans le temps et l’espace, ainsi il dissimile le caractère vulnérable de la zone sujet d’intervention.

L’urbanisation de la zone d’étude est à l’origine résultat des logiques de court terme, elle s’adapte avec la conjoncture et vise des objectifs limités. Cette urbanisation de laisser faire a beaucoup impacté la morphologie urbaine et qui à son tour a compliqué l’intervention dans les quartiers menacés.

L’extension urbaine et exposition aux risques, un phénomène contemporain au niveau de ce territoire, à la fois, expliqué par les mécanismes sociaux, notamment l’attachement au local (l’enfermement territorial), la connaissance et l’attitude face au risque, et la tendance à privilégier d’être à la proximité des principales agglomérations. Également, d’autres mécanismes juridico-techniques en relation avec la gestion territoriale et la planification, en l’occurrence, la carence des bases de données spécialisées et les oublies commis dans les documents d’urbanisme, sont autant des facteurs qui expliquent un tel phénomène.

Cet article se voit comme participation dans le cadre de la géographie appliquée à l’aménagement et la gestion des risques naturels dans le milieu urbain qui est en mesure de profiter à plusieurs d’autres territoires Marocains, voire Méditerranéens qui partagent les mêmes caractéristiques avec notre zone d’étude. Une participation qui vise d’une part l’analyse de l’approche d’urbanisme préconisée dans ce territoire. De s’arrêter sur son esprit, ses potentialités et ses limites. D’autre part, il prend en étude les facteurs territoriaux pouvant expliquer une telle tendance à la vulnérabilité dans cette zone. L’objectif étant de comprendre la corrélation entre l’urbanisation et l’exposition aux risques naturels au niveau du territoire de Nador.

Responsabilités et conflits d’intérêts:

Les auteurs s’engagent à divulguer tout conflit d’intérêts existant ou potentiel en relation avec la publication du présent article. Par ailleurs, les contributions des deux auteurs se présentent de la manière suivante: i) EL-Amrani Hassan: a assumé les tâches de collectes de données à travers les travaux de terrains et l’exploitation des documents (cartes, documents d’urbanisme, images satellites, données chiffrées, bases statistiques, …). Il a de même assuré l’élaboration des cartes et des bases de données ainsi que l’analyse et l’interprétation des résultats et la vérification des résultats sur le terrain. ii) Tribak Abdellatif a assuré l’orientation et l’encadrement du travail, l’analyse et l’interprétation des données, la correction du manuscrit et la validation des résultats.

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