En route vers le progrès pour les femmes enceintes au Brésil & au Portugal ?
Towards progress for pregnant women in Brazil
& Portugal?
Héloïse Elisabeth Marie-Vincent
Ghislaine Ducatteau
Sciences Po Paris
Palabras clave: études de genre, histoire, brésil, portugal
Keywords: gender studies, history, brazil,
portugal
Tavares, Silvana Beline (2008). A despenalização/descriminalização como estratégia dos movimentos feministas nas lutas pela legalização do aborto em Portugal e no Brasil. Araquara/SP.
Il s'agit là d'une thèse de doctorat réalisée à l'Université Julio de Mesquita au Brésil qui mériterait d'être actualisée et publiée afin de mieux sensibiliser au-delà de la sphère académique les citoyen.ne.s sur le sujet. Son orientation est interculturelle puisqu'elle met en regard la situation au Portugal et au Brésil avec un appui terminologique bourdieusien et américano-féministe.
Dans son introduction, l'autrice rappelle que la grossesse a longtemps été ignorée par la sphère publique puisque le fœtus n'était pas considéré comme un être autonome mais seulement comme une altération du corps de la mère, même si le judaïsme et le christianisme proscrivaient l'interruption de grossesse. Ce sont les connaissances scientifiques puis le besoin de chair à canon et de travailleurs qui encouragèrent l'institutionnalisation de l'interdiction d'avorter. La doctorante définit ensuite son appareil terminologique : le genre, intimement lié à l'habitus, se déploie dans le champ, espace de forces sociales naturalisées pour s'approprier les capitaux économique, symbolique, culturel et social et juger des pratiques non conformes aux normes.
Elle retrace ensuite de façon diachronique la législation vis-à-vis de l'avortement au Brésil depuis la colonisation du pays. L'arrivée des Européen.ne.s entraîne la chasse aux infanticides et l'imposition de relations uniquement matrimoniales afin de faire croître une population blanche colonisatrice. En 1830 est promulgué le Code pénal. Il ne pénalise certes pas l'auto-avortement, qui le sera soixante plus tard, mais l'avortement provoqué par des tiers. Par le Code pénal de 1940, l'avortement devient dorénavant un crime contre la personne sauf dans deux cas : quand la vie de la gestante est menacée et quand la grossesse résulte d'un viol. Le retour d'exilés grâce à l'Amnistie politique en 1979 fait évoluer les mentalités et rend viable la floraison de divers Centres et Conseils qui canalisent les revendications. En 1989 est mis en place le premier Service d'Avortement légal au Brésil. Bien qu'il y en ait aujourd'hui une quarantaine dans tout le pays, une enquête menée en 2002 par l'IBOPE a révélé que près de la moitié des interviewé.e.s ne connaissaient pas les cas où l'avortement est autorisé et l'immense majorité n'avait pas connaissance de ce service. En 2006, l'avortement clandestin brésilien concerne ainsi plus de 700 000 avortements responsables de 300 décès par an des suites (pneumonie ou embolie pulmonaire).
La situation diffère au Portugal, objet de la partie suivante. Un Code pénal mis en place en 1886 interdisait l'avortement sous peine de deux à huit ans de prison aussi bien pour les personnes avortant que pour celles favorisant l'opération. Si, au début du XXè siècle, l'émergence des idées néo-malthusiennes encourageant la fabrication artisanale de produits contraceptifs, le coup d'état du 28 mai 1926 les restreint à l'usage thérapeutique. Le 25 avril 1974, jour de la révolution des œillets, fait resurgir la discussion. S'en suivent la création de Mouvements, une médiatisation éditoriale (Horta, Metrass, de Sá, 1975) et télévisuelle, pétitions, manifestations, projets de loi. Si une loi en 1984 permet la dépénalisation en cas de malformation fœtale, de viol, de menace de survie de la mère, elle défavorise encore trop peu la clandestinité. À la suite du référendum de 2007, les femmes peuvent désormais interrompre une grossesse non désirée.
La rédactrice n'omet pas des considérations à plus grande échelle en s'appuyant sur les données de l'Institut Guttmacher et de la revue Lancet. La doctorante se focalise principalement sur l'Amérique latine : au Salvador et au Chili, l'avortement est interdit dans tous les cas ; le Nicaragua a fait un pas en arrière alors que l'avortement y était permis depuis 1893 du fait du soutien financier du Vatican. Puis, l'autrice fait un bref détour par les pays européens les plus restrictifs. Revenant à une macro-échelle, l'autrice informe des modalités de l'internationalisation des revendications féministes grâce aux conférences et à la prise de conscience de l'avortement illégal comme un problème de santé par les gouvernements et que la pleine citoyenneté implique le droit d'interrompre sa grossesse de façon sûre et assistée, loin d'une moralité fondamentaliste.
En somme, l'ouvrage a tout intérêt à être actualisé à l'aune de l'ère bolsonarienne et de la Covid. Une inclusion de l'Afrique lusophone serait tout à fait pertinente pour mieux percevoir les interconnexions avec les deux pays étudiés (Hardy, Bugalho, Faúndes, Alves Duarte, 1997 ; Gallo, Gebreselassie, Victorino, Dgedge, Jamisse & Cassimo Bique, 2004).
Referencias bibliográficas
Gallo, Maria, Gebreselassie, Hailemichael, Victorino, Maria Teresa, Dgedge, Martinho, Jamisse, Lilia & Bique, Cassimo (2004). An Assessment of Abortion Services in Public Health Facilities in Mozambique: Women’s and Providers’ Perspectives, Reproductive Health Matters, 12(24), 218-226. DOI: 10.1016/S0968-8080(04)24027-7
Hardy, Ellen, Bugalho, António, Faúndes, Anibal, Alves Duarte, Graciana & Bique, Cassimo (1997). Comparison of women having clandestine and hospital abortions: Maputo, Mozambique, Reproductive Health Matters, 5(9), 108-115. DOI: 10.1016/S0968-8080(97)90012-4
Horta, Maria Teresa, Metrass, Célia y de Sá, Helena (1975). Aborto, Direito ao nosso corpo. Editorial Futura.